Cette légende tahitienne raconte comment un requin a réussi à sauver de la mort le plus bel homme de Tahiti et la princesse Tuihana, qui étaient tombés amoureux. Elle montre le rôle important dans la mythologie polynésienne des Tâura, ces animaux protecteurs.

Pour célébrer le début de la saison d’abondance, matarii i nia , le roi Teri’i tau Mata Tini décide d’organiser une grande fête avec comme invité d’honneur le plus bel homme qui existe. Il envoie ses messagers dans toutes les vallées à la recherche de cet homme. Ces derniers découvrent des hommes de belle apparence mais jamais ne trouvent un homme exceptionnel et rentrent bredouilles.

Taru’ia, le plus beau des hommes

Le roi ne se résigne pas et, dans la nuit, fait un songe dans lequel il découvre que le plus bel homme vit dans la vallée de la Fautau’a, caché dans une grotte. Au matin, il rappelle ses messagers pour leur annoncer et leur ordonne de le ramener. Ils vont à la grotte où vit Taru’ia, le plus bel homme qu’ils n’aient jamais vu. Ses parents le cachaient depuis de nombreuses années car les ancêtres de sa famille les avaient mis en garde : « Un jour des hommes viendront chercher Taru’ia. Il pourrait alors lui arriver malheur ! »

Mais ce jour-là, les choses étaient différentes, les ancêtres ne devaient pas être opposés au départ de Taru’ia puisque le roi l’a vu en songe. Les parents décident alors d’accepter que leur fils rejoigne le roi. Taru’ia, dit alors aux messagers : « Je ne veux pas de cérémonie, je viendrai seul demain »

Sur son chemin, il rencontre une très jolie jeune fille, Tuihana, qui est la sœur du roi et va également participer aux festivités. Les deux jeunes tombent immédiatement amoureux. Tauru’ia, qui ne peut voyager avec la princesse, propose de l’attendre aux abords du lieu de fête. Il poursuit donc son chemin et se poste en bordure, attendant le passage de la princesse.

La vallée de de la Fautaua en 1884

La vallée de de la Fautaua en 1884

La princesse Tuihana a disparu

A quelques pas de lui, sur ce chemin, quelqu’un a tué un cochon pour la cérémonie. Il y a beaucoup de sang et de viscères. Des gens du coin, voyant ce jeune homme qu’ils ne connaissent pas à côté de tout ce sang s’inquiètent, d’autant que la princesse Tuihana n’arrive pas. « Il a sans doute tué la princesse, c’est pour cela qu’il y a tout ce sang », murmurent les hommes qui courent prévenir le roi. Le souverain, persuadé de la mort de sa sœur, décide d’arrêter le coupable et exige sa mise à mort.

Taru’ia est capturé sans ménagement, ligoté et apprend qu’il va mourir sans pouvoir s’expliquer. Mais cette période de matari’ ini’a, il est tabou de tuer un homme sur un marae (ancien temple). Alors Taru’ia leur dit : « si je dois mourir, je préfère être jeté dans l’océan ». Les gardes du roi acceptent et le jettent à l’eau alors qu’un requin vient de s’approcher de leur pirogue. Ils repartent, sûrs du devoir accompli.

Ils ignorent alors que le requin, son taura (gardien protecteur) était là pour protéger Taru’ia et le sauver !

Le requin protecteur

Ensuite, le son du pu (gros coquillage) annonça l’arrivée de la princesse Tuihana, bien vivante. C’est à se moment là que le roi se rend compte que les habitants lui ont menti et qu’il a fait tuer son invité d’honneur, ce qui est un crime devant les dieux.

La princesse Tuihana, désespérée de la mort de son amour, s’offre alors pour réparer cette erreur devant les dieux et propose de rejoindre Taru’ia dans les profondeurs, et saute. Elle ignore que le requin, le gardien protecteur (tâura) de la famille de Taru’ia est encore là.

Le requin protecteur ramène Taruia et Tuihana vivants sur la plage de Taunoa (Pirae), au grand étonnement du roi ! Tuihana demande alors à son frère le roi d’accepter le verdict des dieux : son union avec Taru’ia. Il ne peut faire autrement après que leur volonté se fut si clairement manifestée et que la justice des hommes ait si malencontreusement faillie. Le roi accepte donc officiellement et de grandes festivités sont organisées pour le mariage.


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Sources :

Comité culture de Pirae – déc 2011
Photo Sylvain Girardot, Plongée Photo Polynésie