Pendant les guerres avec les Teva, les pirogues rouges des guerriers de Teva sillonnaient le lagon de Mataiea pour empêcher les chefferies adverses d’accéder à la mer. Ces chefferies se réfugiaient dans la montagne, mais la pêche qui était leur principal moyen de subsistance devenait impossible.

Un passage secret

Heureusement, un ancien chef de la vallée de Vaihīria avait un secret qui permettait de contourner le blocus. Profitant de l’obscurité, les plus valeureux guerriers descendirent de la montagne pour se rendre jusqu’à la pointe ‘Ōti’aara à Mataiea. Là, derrière des buissons, se cachait l’entrée d’un souterrain naturel qui en passant sous la mer ressortait sur le motu Pū’uru, situé à une centaine de mètres du rivage.

Ce tunnel est un lavatube, un tube créé par une coulée de lave chaude et liquide qui circule à l’intérieur d’une coulée de lave déjà refroidie et solide. La lave chaude en coulant vers l’aval vide le tube et forme un tunnel. A l’époque, l’île de Tahiti était plus haute que le motu attaché à la terre. Depuis elle s’est enfoncée sous le poids du volcan.

Ce passage secret leur permettait de contourner le blocus imposé par les guerriers de Teva et d’accéder à la passe Rautirare, très poissonneuse, située au bord du motu. Avant le lever du jour, ils regagnaient leur refuge montagneux en rapportant les fruits de leur pêche « miraculeuse »

Une sirène écologique annonçant les fortes houles

Si ce passage secret est resté méconnu, les anciens de la vallée se souviennent d’un étrange phénomène qui se produit dans la vallée de Vaihīria sans se douter qu’il est lié à ce lavatube historique. Lors des houles cycloniques, les vagues submergent le motu Pū’uru et s’engouffrent avec force dans le lavatube. L’air du tunnel est compressé et poussé vers l’étroite sortie, ce qui provoque un son d’une énorme intensité, comme celui d’une trompette géante, qui résonne dans toute la vallée.

C’est « Rautirare » comme le nomme les habitants qui tremblent rien qu’en prononçant ce mot. « C’est le signal qu’une catastrophe arrive, qu’il faut courir se réfugier dans la montagne » disent-ils en se crispant. Cette trompette à marée est une formidable sirène automatique et totalement écologique dont nos ingénieurs devraient s’inspirer.

L’entrée du tunnel, encore visible au milieu de la cocoteraie, a été bouchée en 1971 pour éviter que les enfants tombent dans le trou.

Un passage pour les Mokorea

Ce tunnel était également un passage pour les Mokorea, qui sont dans la mythologie polynésienne les habitants du monde de dessous. Ils utilisaient ces passages appelés koko, pour communiquer avec les gens du dessus.

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Sources :

Olivier Babin d’après Kohu,  mars 2009
Jean Charles Sellier, Tahiti Geobiologie, TahitiVortex juin 2021
Photo 1 Raihei Tapeta – MataieaLifestyleTahiti
Photo 2 Société Agricole de Vaihiria