Gare aux ancêtres.

Il y avait il y a longtemps, à côté de la banque de l’Indochine un arbre si gros et si vieux, sans doute un autera’a, que l’on avait renoncé à l’abattre lors de la construction du bâtiment. Mais vint le jour où l’on vit apparaitre à Tahiti les premières voitures et le chemin qui reliait la route à la banque devint trop étroit. Aucune alternative, il fallait abattre l’arbre.

Des ouvriers armés de haches, de scies, d’échelles et de cordes, commencèrent par l’émondage. Le lendemain matin, le gardien portait son bras droit en écharpe et disait qu’au coucher du soleil, un homme noir était venu lui prendre le bras et lui dire que cet arbre était tabu et qu’il ne fallait pas le couper. Vers le milieu de l’après-midi, une énorme branche tomba sur le petit groupe d’ouvriers qui déjeunaient. Ils ne furent que légèrement blessés.

Le lendemain, le gardien tremblant de fièvre raconta que l’homme noir était revenu en lui rappelant qu’il ne fallait pas couper l’arbre en lui serrant le bras si fort qu’il s’est évanoui. Son bras était énorme, gonflé avec de grosses marques rouges. Le docteur se déclara impuissant et on décida de suspendre provisoirement les travaux d’abattage.

Le lendemain matin, le gardien, souriant et détendu, annonçait que l’homme noir était revenu, lui a dit « C’est bien » en lui touchant le bras et que depuis son bras ne portait plus aucune trace. Il y eut la mauvaise saison, il ne fut plus question d’abattre le grand arbre.

Quelques mois plus tard, pendant un violent orage, la foudre tomba sur le grand arbre, le fracassant au ras du sol. Quand on arracha la lourde souche. on trouva, entre les racines, un crâne humain posé sur une pierre plate comme un coussin…

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