Tahiti Heritage

On ne brave pas le tabu d’un marae sacré à Tahiti

Marae de Pare, aquarelle de George Tobin, 1792.jpg

Marae de Pare, aquarelle de George Tobin, 1792.jpg

L’étonnante et pourtant véridique histoire d’un popaa (étranger de race blanche) qui a voulu braver les interdits en construisant sa maison à l’emplacement d’un ancien un marae sacré (ancien lieu de culte).

Un marae sacré

Dans le quartier de Mamao, à quelques minutes du centre de Papeete, se situait une grande propriété en bordure de la route de ceinture. Elle était entourée sur trois côtés par une végétation luxuriante et au milieu se trouvait un amoncellement de pierres, que l’on disait être les restes d’un marae (ancien temple).

Il y a quelques années, un popaa (étranger de race blanche) fraîchement débarqué de métropole et heureux de trouver un si beau terrain, s’empressa de l’acheter afin d’y construire sa maison. Un soir suivant, plusieurs « anciens », les hommes sages du quartier vinrent le trouver :

Ne construis pas ta maison sur ce terrain, car ce lieu est sacré. Sur ce marae ont eu lieu de nombreux sacrifices humains et les dieux, par la voix des prêtres, ont proclamé ce lieu tabu. Nous sommes tous de bons chrétiens et cependant, n’as-tu pas remarqué que jamais nous ne traversons ce terrain, choisissant de faire un grand détour plutôt que de braver les dieux ? Ne construis pas ta maison là !

Naturellement, le popaa ne voulut pas les croire et toutes leurs mises en garde furent inutiles. Ils partirent graves et soucieux.

Dédaigneux, il prit l’habitude de se promener sur le marae la nuit. Avec beaucoup de promesses, il acheta les services de deux tahitiens d’un quartier éloigné afin de surveiller la maison pendant son absence.

Les tupapa’u veillent

Mais on disait, à Mamao, que les soirs de lune, une belle tahitienne venait s’asseoir sur les pierres du marae. Sa robe de tapa blanc brillait dans l’ombre et elle ne chantait que des chants anciens. Les hommes sages hochèrent la tête quand ils surent que l’esprit hantait à nouveau les ruines.

A nouveau ils prévinrent l’Européen. A nouveau ils furent éconduits. Et un matin, on trouva l’un des gardiens mystérieusement assassiné. Peu de temps après, l’Européen fut rappelé en Europe et avant de partir, il dit qu’il reviendrait bientôt. Les hommes sages hochèrent la tête avec doute. Quand l’Européen débarqua en Europe, il fut tué dans un accident le jour même de son arrivée.

Une veuve loua la maison du terrain tabu. Une nuit de pleine lune, elle se suicida. Un frère du popaa vint habiter la maison. Au bout de trois jours, il quitta précipitamment l’île par avion, sans vouloir rien dire à personne. Un grand acteur de Hollywood racontait qu’il ne croyait ni aux esprits ni aux tupapa’u (revenant, fantôme). Pourtant, il ne put passer qu’une nuit dans la maison. Un Lord anglais jura de ne jamais remettre les pieds sur un terrain tabu reconnaissant avoir vu les tupapa’u du marae.

La maison resta vide ; fuyant l’interdit des anciens, plus personne ne voulut y habiter. Et un jour, un incendie éclata mystérieusement dans la maison toujours vide. Les flammes furent si hautes, le feu si violent, qu’il n’en resta plus rien, ni murs, ni poutres, ni fondations ; rien qu’un amas de poussière fine que le vent éparpilla. Les hommes sages hochèrent la tête avec soulagement. Dans le quartier de Mamao, à quelques minutes du centre de Papeete, s’étend toujours un grand terrain en bordure de la route. De nombreuses maisons s’élèvent tout autour.

Mais sur le terrain, il n’y a qu’un amoncellement de pierre, qu’on dit être les restes d’un marae.

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Sources :

Récit de M. Gaillard
Illustration : Marae de Pare, aquarelle de George Tobin, 1792


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