Tahiti Heritage

Légende de Tafa’i : 1. le tragique amour de Hina et de Monoihere

Légende de Tafa'i, Nona et Monoihere. Illustration Bobby

Légende de Tafa'i, Nona et Monoihere. Illustration Bobby

La première partie de grande légende tahitienne de Tafa’i, l’un des héros mythique de la culture polynésienne, raconte les premiers amours de la douce Hina, la petite fille de Nona la cannibale, avec le beau Monoihere.

Nona, la femme mangeuse d’hommes

Peu de temps après la séparation de Tahiti et de Ra’iatea, vivait dans le district de Mahina, dans Tahiti To’erau (Nord de Tahiti) une belle femme de haut rang qui s’appelait Nona. Elle avait de longues dents de carnivore et elle avait développé une terrible passion pour le cannibalisme, ce qui lui avait fait donner le sobriquet de Vahine-’ai-ta’ata (femme mangeuse d’homme).

Son mari, grand chef de la maison de Tahiti, To’erau, l’avait répudiée et elle vivait seule sur sa propriété de famille. C’est là qu’elle donna naissance à une ravissante petite fille à qui elle donna le nom de Hina. Elle l’éleva avec tendresse selon son rang en ayant soin de lui cacher les proies humaines qu’elle se procurait.

Au pied de la grande falaise de Tahara’a, remarquable par sa glaise rouge, se trouve un tunnel que les gens peuvent utiliser à marée basse et qui leur évite de faire le tour de la colline, ce tunnel est connu jusqu’à ce jour sous le nom de cachette de Nona ; c’est là qu’elle attaquait les passants et les tuait, quelquefois pour les cuire et quelquefois pour les manger tout crus.

Grottes des falaises du Tahara'a

Falaise du Tahara’a

Les premiers amours de Hina

A l’époque de Nona la région était devenue très peu habitée et les maisons étaient mystérieusement abandonnées. Mais un beau jeune homme nommé Monoihere (Mono’i-here) qui avait échappé à cette femme rusée, avait conçu un grand amour pour sa fille Hina.

Ils se rencontraient secrètement dans un lieu retiré appelé Oro-fara (Fougère Fara) où se trouve une source appelée Rati (Eclabousse) qui remplissait une pièce d’eau où Hina se baignait et qui s’appelle encore de nos jours Te-hopura’a-vai-o-Hina (Le bain de Hina). Près de là se trouvait une grotte qui s’ouvrait et se fermait lorsque l’on prononçait certaines paroles.

La baie de Matavai est fermée par endroits par un récif appelé la chaîne de To’a-tea (Rochers légers) , c’est là que Nona, pêcheuse experte, se procurait du poisson pour sa fille et pour elle-même.

La grotte secrète de Monoihere

Près de là se trouvait une grotte qui s’ouvrait et se fermait lorsque l’on prononçait certaines paroles. Hina avait l’habitude de porter un panier de nourriture à son amant lorsqu’il était caché dans la grotte et lorsqu’elle s’en approchait, ils échangeaient les paroles suivantes :
Hina : « Mono’i-here est l’homme et Hina est la femme ! »
Monoihere : «  Où est ta mère Nona aux dents longues ? »
Hina : « Elle est sur le long récif, sur le court récif, prenant du poisson pour nous, mon amant. O fondation de rocher ouvre-toi. »

Aussitôt le rocher s’entrouvrait pour laisser passer l’amant et les deux jeunes gens restaient ensemble jusqu’à l’heure du retour de Nona. A ce moment Monoihere retournait dans sa grotte ou rentrait chez lui selon les circonstances, mais évitait en tout cas de rencontrer la mère.

L’entrée actuelle de la grotte de Monoihere

L’intérieur de la grotte de Monoihere

La cachette découverte

Un jour arriva où la mère s’aperçut de la disparition d’une partie de la nourriture et décida de résoudre ce mystère. Ce jour, après avoir cuit le repas elle feignit un malaise et se coucha faisant semblant de dormir profondément. Elle vit alors sa fille s’approcher avec précautions des victuailles, en mettre quelques morceaux de choix dans un panier, puis s’en aller sans bruit. Lorsque Nona eut compris le chemin que prenait sa fille, elle prit un raccourci et, arrivant avant elle au lieu du rendez-vous, elle grimpa dans un pua (Fagraea berteroana) de façon à pouvoir entendre et voir sans être aperçue. Nona, ignorant l’existence de la grotte, fut bien étonnée de ce qu’elle vit. Elle se répéta les paroles magiques pour s’en souvenir et demeura immobile jusqu’à ce que les amants se fussent séparés, puis descendant rapidement de l’arbre elle rentra chez elle et se recoucha avant le retour de la jeune fille.

Le lendemain, après avoir mangé et mis des victuailles de côté, Nona prit congé de sa fille en lui disant qu’elle allait confectionner des torches pour pêcher la nuit. Elle se rendit en réalité à la cachette du jeune homme et, debout devant la grotte, se mit à parler imitant du mieux qu’elle pouvait la voix de Hina. Mais Mono’i here ne s’y trompa pas et répondit « E’ere oe o Hina, o te vahiné nihoniho roroa ra ’oe, o Nona ! » (Vous n’êtes pas Hina, mais bien Nona aux dents longues !).

Malheureusement elle avait appris les paroles magiques et s’écria «Te tumu o te papa e, vahia ! » (O fondation de rocher ouvre-toi !).

Le rocher s’étant ouvert, Nona se précipita sur le jeune homme, le tua et le dévora, ensuite elle chercha son cœur mais ne put le trouver et, laissant les os et les viscères en tas elle quitta la grotte qui se referma sur elle et retourna préparer ses torches comme elle en avait eu l’intention.

L’horreur

Pendant ce temps Hina se dirigeait vers la grotte avec son panier, et comme personne ne répondait à son appel elle pénétra à l’intérieur et voyant les restes de son amant, comprit l’horrible tragédie qui s’était déroulée. Elle chercha le cœur du jeune homme et l’ayant trouvé, constata qu’il battait encore. Elle le plaça sur son cœur et, guidé par lui, rentra chez elle pour agir. Profitant de l’absence de sa mère, elle prit un tronc de bananier et le plaça dans son lit pour imiter son corps et installa sur l’oreiller un ’a’ano (gourde faite d’une noix de coco) pour imiter sa tête. Elle recouvrit le tout de tapa et s’enfuit au district voisin de Uporu (Ha’apape ou Mahina).

Là, toujours guidée par le cœur battant de son amant, elle se rendit à la demeure d’un jeune chef appelé No’a (Odeur suave), bien connu dans la région parce qu’il était extrêmement velu, quoique de belle prestance, elle fut bien accueillie par toute la maisonnée.

La fin de Nona, la mangeuse d’hommes

Lorsque Nona rentra chez elle, elle prépara le repas du soir et appela sa fille pensant qu’elle reposait, mais elle ne reçut pas de réponse. Après avoir appelé plusieurs fois elle entra dans une violente colère et menaça sa fille de la dévorer. Ne recevant toujours pas de réponse, elle s’écria au comble de la fureur : « Tera mai au, e Hina, ua pau oe ia ’u ! » (J’arrive, ô Hina, tu seras dévorée par moi !) et, se précipitant sur le lit, mordit le tronc à travers le tapa , à sa grande surprise, elle constata que sa fille avait été plus rusée qu’elle et s’écria «A ua ora ’oe ! » (Ah tu t’es échappée !).

Le lendemain de bonne heure Nona partit à la poursuite de sa fille et réussit à retrouver ses pas jusqu’à la maison du chef. Voyant Hina, elle se précipita sur elle mais le chef s’interposa et, après une lutte violente, réussit à étrangler Nona et c’est ainsi que se termina son existence.

Les autres aventures de Tafa’i

Tafa’i explore l’intérieur de la terre (le Pô) et ramène son père

En préparation

Commentaires

Sources :

Légende de Tafai, transmise en 1855 par Tamera, prêtre, et complété en 1890 par Pe’ue de Fautau’a et par Te’iva Vahiné de Ti’arei, avec l’aide de Mme Walker.
Tueira HENRY. Tahiti aux temps anciens. Société des Océanistes.
Illustration : Tritype, trois tableaux assemblés de Bobby Holcomb, représentant le début de la légende de Tafa’i : les amants Hina et Monoihere, Nona la mère cannibale, la mort de Nona.

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