Cette ancienne légende marquisienne raconte l’histoire du rocher Fatutue, surnommé la tête de nègre, qui se trouve dans la baie de Hanaiapa sur l’île de Hiva Oa.

Autrefois à Hanaiapa sur l’île de Hiva Oa, vivait Tuapuu (la bossue) avec son époux Te Pevaiki (jeune croissant de lune). De leur union, sont nés trois enfants : une fille Hinatoèkekaa et deux garçons Fifa et Paoe. Lorsque leur père décéda très jeune, leur mère Tuapuu se retrouva seule pour élever ses enfants. Mais rapidement, son esprit se brouilla et elle devint un peu folle.

Une petite faim nocturne

Elle demanda, une première fois, à ses enfants d’aller lui pêcher des poissons, des crabes, des coquillages, des oursins, des roris (concombres de mer) en bref tout ce qui était bon à manger. Le matin, à marée basse, les enfants allèrent pêcher pendant que leur mère restait à la maison. A la marée haute, ils rentrèrent avec des sacs remplis de poissons, de crabes et d’autres bonnes choses. Ils réveillèrent leur mère et lui dirent : « Viens donc avec nous manger toutes ces bonnes choses ! ».

Tuapuu leur répondit : « Non, j’ai assez mangé. Mais vous pouvez manger sans moi ! ».

Dans la nuit, pendant que les enfants dormaient, Tuapuu parlait toute seule : « Tuapuu ! Tuapuu ! Faèta ! Faèta ! » (Bossue, ouvre ton dos).

Seul Fifa l’ainé des garçons ne dormait pas et écoutait les paroles de sa mère. Il fut étonné de la voir prendre les poissons et toutes les bonnes choses qu’ils avaient pêchées.

De grosses murènes au milieu des poissons

Le lendemain matin, la marée était de nouveau basse à Ahuàu. Tuapuu, la mère dit alors à ses enfants : « La mer est calme, retournez à la pêche ! »

Les trois enfants allèrent pêcher les bons poissons. Seul Fifa qui avait entendu les paroles de sa mère, ramassa de gros puhi (murènes).

Lorsque la marée monta, les enfants retournèrent à la maison et proposèrent à leur mère de venir manger les poissons. Elle leur répondit : « Non, j’ai déjà fini ! ».

Dans la nuit, lorsque ses enfants furent endormis, elle reprit : « Tuapuu ! Tuapuu ! Faèta ! Faèta ! ». Son dos s’ouvrit et elle y déposa tous les poissons. Alors les puhi (murènes) mangèrent son dos et ses entrailles.

L’arbre magique

Tuapuu dit alors : « Hina, ma fille je vais mourir ; je voudrais te dire quelque chose. Lorsque je serai morte, plante un arbre, un kehi’a (‘ahi’a tahiti, pomme d’eau, jamalac), au-dessus de moi. Le fruit qui murira au sommet sera pour toi Hina, ne l’oublie pas ! »

Hina se tourna vers ses frères : « Fifa, Paoe, notre mère va mourir ! ».
Fifa qui avait tout vu et compris lui dit : « Qu’est-ce ça change, elle n’a que ce qu’elle mérite ! »
Tuapuu mourut, les enfants la recouvrirent de terre. Hina planta le kehi’a.

Alors que trois jours venaient de passer depuis la mort de sa mère, Hina monta pour voir. Elle trouva le pied de kehi’a grand qui portait déjà des fruits. Elle retourna voir ses frères et dit : « Le kehi’a est grand, nous irons cueillir les fruits dans deux jours ».

Deux jours plus tard, les enfants montèrent voir le pied de kehi’a. Les fruits étaient bien mûrs. Hina dit : « Grimpez chercher les fruits mais celui qui est au sommet est pour moi. Les garçons montèrent sur l’arbre. Ils mangeaient la chair et jetaient les noyaux à leur sœur. Celle-ci ramassa les noyaux et les attacha à sa ceinture. Hina cria de nouveau : « Donnez-moi mon kehi’a, celui qui est au sommet de l’arbre »

Le motu Fatutue

Fifa lui lança le bon fruit. Alors comme par magie, le tronc de l’arbre se brisa. Tuapuu furieuse, reprenait vie. Elle grogna : « Ha ! Ha ! le mana (pouvoir magique) est toujours le plus fort ! ».

Les enfants coururent très vite, pourchassés par leur mère en furie. Ils arrivèrent au bout à la pointe Matautauòa et d’un coup de pied Hina brisa le rocher qui s’écroula. Le morceau du rocher sur lequel se trouvait Hina et ses frères se détacha et a créé le motu Fatutuè.

Tuapuu qui était restée sur le promontoire dit à Hina : « Donne-moi de ta salive, ma fille ! »
Hina cracha encore et encore. Tuapuu utilisa cette salive pour marcher jusqu’à Hina mais elle s’enfonça dans la mer. Elle cria de nouveau : « Hina, Donne-moi un de tes cheveux pour me hisser jusqu’à toi, ma fille. »
Hina lui lança un cheveu et dit à ses frères : « Cassez et détachez des éclats de pierre pour que Tuapuu meure ! »
Tuapuu se hissa à l’aide du cheveu et dit : « Ha !ha ! le mana gagne ! »
Hina dit alors à ses frères : « Maintenant, c’est le moment de couper le cheveu pour que Tuapuu tombe et meure. »

Ils tranchèrent le cheveu, Tuapuu tomba dans l’eau et se noya.


Légende du tiki du Moko (lézard)

Dans la légende du Tiki lézard de Hanaiapa racontée par G. Lagarde en 1933, Tuapuu est un homme, le fils de la sorcière Temoonieve, la déesse des crustacée représentée par un lézard et de Huuti, un jeune homme de Taaoa (Hiva Oa).

Après que Tuapuu se soit écrasée sur les rochers en bas de l’îlot Fatute, sa mère la sorcière se vengea sur les pêcheurs de coquillages, crustacés, poissons. Pour l’amadouer, les pêcheurs ont taillé le tiki du Moko (lézard). Ils le placèrent sur leur paepae, afin que leurs filets ne soient pas abimés par les déprédations des poissons malfaisants et que les pêcheurs eux-mêmes soient préservés des morsures des anguilles, pieuvres, etc….

Ce tiki lézard taillé dans une pierre noire, légèrement poreuse est au Musée de Tahiti et des îles.

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Sources :

Légende du Tiki lézard racontée par G. Lagarde (Bulletin de la Société des Océanistes n° 49 décembre 1933)