C’est sur l’îlot Karavari situé devant l’ancien village de Hokikakika de l’atoll de Fakahina, que six habitants furent inhumainement massacrés, en janvier 1861, par leurs voisins Paumotu.

En 1860, Paiore, le régent de l’archipel des Tuamotu, le grand-chef d’Anaa, le  chef de Kauehi, et de plusieurs autres îles, se rendent à Fakahina en pirogue avec une dizaine hommes représentant les atolls voisins pour tenter d’évangéliser ses habitants. Paiore reste sur son bateau et envoie sept de ses hommes à terre. Six sont capturés et tués le 20 septembre 1860, à 6 h du matin, les chefs Tapahiha de Fakarava, Mahiri de Makemo, Taumata de Taenga, Tuata de Nihiru, Tehei de Takoto, Tahoro de Reao. Le septième, Turia de Makemo, réussit à distancer ses poursuivants et rejoint à la nage la pirogue de Paiore.

Le gouvernement du Protectorat à Tahiti décide le 1er décembre 1860, d’envoyer au Tuamotu, le navire à vapeur, le Cassini. Le bateau s’arrête à Fakarava, Kauehi, et dans d’autres îles pour embarquer 300 volontaires paumotu qui sont ensuite débarqués dans l’île de Fakahina. La recommandation suivante leur avait bien été faite : « Dans cette expédition; vous ne chercherez qu’à faire des prisonniers afin qu’ils soient jugés conformément aux lois ». Mais dans la chaleur de l’action, ces volontaires paumotu massacrèrent sauvagement six habitants de Fakahina sur l’îlot situé en face de l’ancien village. Une partie de la population s’enfuit; mais vingt habitants sont toutefois capturés et transportés à Tahiti pour être jugés.

Les prisonniers Maruake, Teaono, Matava, Tuani, Paca, Tufarina, Teahu, Tefakahira, Kamake Marere, Niururu, Tunarua, Tu, Tetohu, Maua, Mereu, Aroa, Teariki, Maui et Keha, de l’île Fakahina, comparaissent devant la Haute Cour des Toohitus qui le 22 janvier 1861 considère que, vu l’insuffisance de preuves que seule une partie des habitants de l’île n’a pu comparaître devant le tribunal ; propose de les relâcher.

Un calvaire en souvenir

Les habitants de Fakahina, ne pouvaient plus regarder cet îlot sans un sentiment d’horreur et sans un violent désir de vengeance. Aussi, le père Montiton, après avoir fait défriché, nivelé et orné cet îlot d’un mur demi-circulaire en pierres sèches, fait élevé un Calvaire. Le dimanche, 12 novembre 1871, toute la population se rend en pirogue à cet îlot, appelé désormais Karavari. L’ayant bénit, le Père Motiton fait approcher de la croix les plus proches parents des six victimes. Là, en présence de toute la population réunie, il leur fait jurer devant Dieu, de ne jamais chercher à venger la mort de ceux des leurs qui avaient été massacrés en ce lieu désormais purifié et sanctifié par la religion.

L’île de Fakahina resta longtemps isolée : personne n’osait y mettre les pieds, tant on redoutait la vengeance des habitants.

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Sources :

Eugène Caillot, Histoire de la Polynésie orientale, Paris 1910, p 390
Proclamation de M. de la Richerie, Commandant des Établissements français de l’Océanie,  aux Chefs et aux autres membres des Conseils des districts des Tuamotu, Papeete, le 1er décembre 1860.