La malédiction d’un père dont la volonté de partage de ses biens et terres n’avait pas été respectée par ses enfants.

Aussitôt après avoir mis en terre leur père Teamo, ses fils Rangi et Hiro décidèrent, de modifier les dispositions du testament oral du vieux. Le surlendemain, Kaveka, le fils de Hiro, disparaissait au cours d’une plongée à la nacre. Le même jour, la fille de Rangi, était frappée d’une étrange maladie qui l’affaiblissait de jour en jour. De temps à autres, le rocking-chair du vieux Teamo se mettait à basculer d’avant en arrière sans qu’une seule petite brise ne souffle. Un tahu’a (sorcier guérisseur) qu’ils avaient consulté avoua sa faiblesse devant un mana (pouvoir) aussi fort qu’il désigna à mots couverts comme étant le vieux Teamo lui-même, et que le seul moyen de l’arrêter était de s’en prendre à lui, sans tarder.

Les deux frères non plus n’étaient pas épargnés. Quand ils revinrent de pêche un matin, la cloche de la seule église sonnait lugubrement. La petite Tara était morte dans la nuit, trois semaines après son grand-père, au moment même où Hiro, frappant de son coupe-coupe un gros poisson perroquet endormi dans une anfractuosité du récif, glissa et se blessa gravement à la jambe.

Le soir même après l’enterrement, Rangi, sa femme, son frère Hiro et sa femme, tous avaient étalé leurs pe’ue (tapis en fibres végétales tressées) autour de la tombe fraîchement fleurie de Tara. Une coutume encore pratiquée de nos jours. À deux heures du matin, les deux hommes se levèrent et se dirigèrent vers la tombe de Teamo avec deux paniers de rori (concombre de mer). Ils enfoncèrent la pelle dans le sable blanc et mou, et au bout de quelques minutes, le métal toucha le cercueil de bois avec un sinistre craquement. Quand ils l’ouvrirent, s’éclairant d’un mori gaz (lampe à gaz), une légère odeur de renfermé émana du cercueil, mêlée à celle du sable humide. Point de puanteur, juste une petite odeur âcre et persistante.

Le vieux Teamo semblait dormir dans son beau costume et la barbe avait envahi son visage Les deux frères étaient terrorisés car, combien même la « chose » qui était allongée là devant leurs yeux écarquillés était ou avait été leur père, ils devaient agir rapidement. Leurs mains tremblantes placèrent les rori d’abord sur le visage, et la tête, puis sur le corps. À la fin, Teamo était enseveli sous plusieurs centaines de rori. Ils refermèrent le cercueil, remirent le sable sur le cercueil, et les fleurs artificielles sur la tombe.

Quand tout fut fini, l’aurore blanchissait le ciel au levant. Un coq chanta, puis d’autres. Teamo, reposait enfin en paix.

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Sources :

Propos de Bob Putigny recueillis par John Mairai
Photo 1 : Rori, concombre de mer, Holothuries