Alors que nous le savons tous, les coqs chantent le matin, souvent très tot et même avant l’aube, à Tahiti ils chantent á toutes heures du jour et surtout de la nuit. André Pilon, qui fut affecté au service météo de Faa’a en 1968, nous raconte sa méthode pour couper la voix à ces bruyants volatiles :
Au lieu dit : Bopp-Dupont, la base vie de la partie militaire de l’aéroport Tahiti-Faa’a, les fare (maisons) des Tahitiens tangentaient nos logements ; leurs enfants, leurs animaux : chiens, chats, poules et parfois petits cochons, circulaient parmi nous avant qu’une cloture ne soit construite. C’est donc là que je logeais, en 1968, alors que je travaillais á la météo, en tant que premier-maitre. Mon logement se trouvait juste en bordure du terrain militaire et donc tout proche des fare tahitiens. Entre la cloture et ceux-ci, il y avait lá, un arbre tropical en forme de cerisier et, dans cet arbre, couchait la nuit un coq et plusieurs poules. Ils y montaient en volant car ces gallinacés du Pacifique, plutôt du genre fluets, volent comme les perdrix de chez nous. Mais ce coq était un tantinet casse-pieds, car le soir, á l’heure d’éteindre nos lumières et dormir, lui, le salopiot, se mettait á chanter. Et puis, dans le lointain, dans le district de Faa’a et peut-être même jusqu’á Aue et Punaauia, d’autres lui répondaient á qui mieux mieux. Cela durait un bon quart d’heure et puis, apparemment, tous les coqs, après cet intermède musical, se mettaient á dormir. Au bout d’une demi-heure, au signal donné dans le voisinage, le concert reprenait et, á peine endormis, nous étions tous réveillés, furieux, promettant á ce coq que nous voyions tous les jours, qui grattait avec ses poules devant notre porte, de bientôt avoir le cou coupé et de passer á la marmite.
Alors, un jour, j’ai trouvé la recette afin qu’il se tut á l’heure ou les humains dorment. Je l’ai donc en registré sur magnétophone, et, á l’heure d’aller au lit entre dix et onze heures du soir je lui diffusais son magistral cocorico. Alors se redressant sur sa branche, il entonnait une formidable et tonitruante réponse pour celui qui devait le narguer sous son » cerisier » ; et puis, ceux du voisinage lui répondait tout horizon. Depuis Aue jusqu’á Punaauia, c’était le concert. Au bout de quelques minutes, comme tous semblaient lassés, l’enregistrement était repassé, et la séance reprenait derechef. Au bout d’une demi-heure, comme tous les coqs du quartier avaient probablement épuisé leur capital musical, nous pouvions tous dormir tranquilles et ces maitres chanteurs également. Au matin, bien entendu, il remettait ça, mais c’était son devoir de réveiller les humains et le chant du coq est bien agréable quand il est matinal.
Sources :
André Pilon – Météo Faa’a 1968