Un grand palace de la côte Ouest de Tahiti, avait lui aussi son fantôme, un tupapa’u subtil et malin. Alex du Prel raconte dans son livre « Le bleu qui fait mal aux yeux » l’inauguration de cet hôtel. C’était un jour grandiose pour Tahiti. La grande fête !

L’inauguration

C’était le premier grand palace de classe internationale de Tahiti. Tout climatisé. Du marbre partout, des grands miroirs. Le téléphone dans chaque chambre. Tout en béton, rien ne pouvait pourrir : on devenait un pays moderne. La population était émerveillée, le touriste l’était moins : il retrouvait le même lit, la même chaise, le même couvre-lit qu’il y avait dans l’hôtel qu’il venait de quitter à Paris. Vingt mille kilomètres pour rien.

Le Tout Papeete était venu au rendez-vous. Le gratin de cette petite préfecture. Tous ceux qui étaient quelque chose ou croyaient l’être. La presse, les photographes bref, tout le monde était là.

Chacun avec sa légitime ; à cause des photos. Le gouverneur, bien sûr, était venu en grand uniforme de gala blanc avec casquette à dorure. Il coupa le ruban tricolore après un discours patriotique. L’orchestre de l’Infanterie de Marine joua la Marseillaise en transpirant. Puis la foule, lasse de ces cérémonies, se rua sur le bar et le somptueux buffet.

Petit à petit, les groupes se formaient. Les dames tahitiennes dans un coin potinaient, les dames fonctionnaires métropolitaines formaient une cour autour de Madame le gouverneur, les dames militaires autour de Madame l’amiral. Chez les messieurs, c’était à peu près le même spectacle, mais on essayait de se prendre au sérieux et il y avait moins de couleurs.

Ancien hôtel Maeva Beach, Punaauia, Tahiti

L’ancien hôtel Maeva Beach, Punaauia, Tahiti, inauguré en 1969.

D’étonnantes coupures d’eau !

La fête était une grande réussite. La vraie classe, cette inauguration. D’une porte, un employé fit signe à Romain, le jeune directeur de l’hôtel :
– « Patron, y’a plus d’eau dans l’hôtel ! »
– « Débrouillez-vous ! Appelez l’ingénieur, le plombier, mais débrouillez-vous. »

Mais, durant toute la réception, l’eau sera coupée, puis reviendra, sera coupée à nouveau, reviendra et ainsi de suite. Quelques problèmes se développeront dans les toilettes et ce sera la panique dans les cuisines. Le directeur s’en arrachait presque les cheveux. Tout avait pourtant été inspecté, testé. Puis, vers la fin de la réception, l’eau reviendra et coulera sans interruption les deux semaines suivantes.

Toute l’île a appris la nouvelle de l’incident. Toute l’île sait que le super palace a son fantôme, son tupapa’u. Il a été malin. Il aura attendu l’inauguration pour se manifester. Pourtant son marae avait été tout petit. Un misérable petit marae. Sûrement d’une famille bien modeste. Avec quelques malheureux crânes pour l’orner. Mais Tahiti commençait à aimer son tupapa’u. L’on est toujours avide d’anecdotes sous nos latitudes au climat peu varié. Surtout si elles concernent les expatriés nouvellement arrivés et imbus de leur civilisation.

Ceux-ci arrivent tous comme des missionnaires. Pour nous initier à leur modèle de société. Car ils sont persuadés qu’il est le meilleur. Le seul valable. Mais ils oublient toujours que les habitants de leurs grandes villes, le produit de cette société parfaite, rêvent presque tous de petites communautés imparfaites comme Tahiti.

Peut-être que le vieux Tahiti et son tupapa’u pourra-t-il apprendre quelque chose à ce monde efficace et arrogant venu d’ailleurs. Car l’eau recommença à disparaître. De temps en temps. Généralement cela arrivait à l’aube, parfois l’après-midi. Chute de pression, une minute après retour de pression. Puis rechute, puis retour. Ainsi de suite. Parfois cela durait cinq minutes, parfois un quart d’heure. Rarement plus.

Des spécialistes arrivent à la rescousse

Bien sûr, Romain convoqua de multiples réunions avec l’entreprise de plomberie qui avait fait l’installation ainsi qu’avec les architectes. Ceux-ci inspectèrent les kilomètres de tuyaux. Ils furent catégoriques. Cela venait d’ailleurs. De la commune qui fournit l’eau. Démarches à la commune. Qui dépêcha des ingénieurs aux bassins dans les montagnes, inspecta les canalisations. Déni formel de responsabilité de la commune. Les bassins étaient pleins lors des coupures. Aucune maison des alentours, alimentée par le même réseau, ne subissait les mêmes problèmes.

Et les coupures continuèrent. Mais jamais les week-ends. Alors tout Tahiti parle d’un tupapa’u chrétien. Celui qui respecte le Sabbat, la trêve du Seigneur. L’intérêt grandit de jour en jour.

Mais Romain, le directeur, riait jaune. Les clients se plaignaient de plus en plus. Et il était devenu la risée du Territoire. Il décida d’appeler le siège à Paris :
– « Faites venir les meilleurs spécialistes. Tout de suite ! Je m’en fous si ça coûte la peau des fesses. »

Tahiti retint son souffle. Tout cela devenait passionnant.

Ils arrivèrent deux jours plus tard, dans le prochain avion en provenance de l’Europe. Avec une tonne d’appareils de radiographie et de sondes. Deux semaines durant, les spécialistes et leur équipe ouvrirent les plafonds. Démontèrent les vannes. Envoyèrent des sondes. Analysèrent les plans. Inspectèrent le réseau hydraulique de la commune. Mesurèrent toutes les pressions. En vain. Bredouilles. Tout était normal.

A la fin de la semaine, Romain réunit tous les spécialistes et demanda leur verdict :
– « Monsieur le Directeur, nous avons tout inspecté. Tout est parfait. Tout est normal. Tout est aux normes. Il n’y a pas un gramme de débris dans les canalisations. »
– « Mais alors comment expliquez-vous les coupures ? »
– « Nous n’avons pas d’explication. Il n’y a pas d’explication technique. Ni rationnelle. Peut-être est-ce vraiment un fantôme ?»

Fureur et rage de Romain. Les fantômes, ça n’existe pas ! Il insulta les spécialistes. Des millions dépensés pour s’entendre dire cela ! Il était au bord des larmes. Sa secrétaire tahitienne, qui prenait des notes, suggéra :
– « Pourquoi tu ne vas pas demander au tahua de Papara ? On dit qu’il est le meilleur. »
– « Qu’est-ce que c’est qu’un tahua ? »
– « Un des vieux guérisseurs, sorciers. Ceux qui te soignent avec les plantes. Ils connaissent les vieilles coutumes. Ils sont copains avec les esprits. Celui de Papara, il s’appelle Tupua. C’est le seul qui s’occupe du grand marae de Mehetia. Le plus grand et le plus puissant des marae. Il sait parler aux tupapa’u (fantômes, revenants) »
– « Je n’ai pas besoin de sorcier. Je ne suis pas devenu fou ! »

Le tahu’a intervient

Mais le lendemain, après avoir été à nouveau assailli par les clients de l’hôtel qui se plaignaient des problèmes d’eau, il retourna voir sa secrétaire :
– « Prenez ma voiture et allez dire au sorcier de venir. »

Il se présenta le lendemain. Romain s’attendait à voir un grand homme distingué, comme les mages dans les films d’Hollywood. Il était petit et trapu. Torse nu, pieds nus. Vêtu uniquement de ce short trop grand qu’affectionnent les Tahitiens de la campagne.

Il avait garé sa vieille 403 camionnette toute bosselée et rouillée juste devant le grand hall d’entrée du palace. Une vieille mamie vêtue d’un pareo était assise à l’arrière dans la benne. Elle fit un grand sourire à Romain qui put ainsi apprécier le manque total de dents.

Dans son bureau, le vieux s’assit confortablement dans un des fauteuils, un grand sourire aux lèvres. Il appréciait et admirait visiblement le grand luxe du bureau. La secrétaire arriva pour traduire. Romain expliqua son problème. Le vieux écouta la traduction et répondit :
– « Je connais ton problème. C’est un tupapa’u des Haerepo. Ces vieux troubadours des temps anciens. Celui-là est mort après avoir bu trop de kava. Il cuvait son vin depuis des siècles. Et tu es venu le déranger avec ta maison trop grande. Il est fâché avec toi, directeur. Tu le déranges et après tu dis qu’il n’existe pas. Le mal et l’injure. Cc n’est pas gentil. C’est toi qui es venu le déranger. Tu dois te faire pardonner. »
– « Mais comment ? »
– « Tu dois lui montrer que tu le respectes. Tu dois croire en lui. Il faut une grande cérémonie pour lui montrer ton respect. Une marche sur le feu. »
– « Ça va me coûter combien ? »
– « Ce que tu veux bien donner. Je ne fais pas payer. C’est interdit. Si on te demande des sous, alors ce n’est pas un vrai tahua. »

Romain avait discuté auparavant avec sa secrétaire. Elle avait mentionné que le vieux ne dédaignait pas du tout de boire un coup. Venant d’un monde suspicieux, il proposa :
– « Je te donne quatre caisses de Johnny et vingt caisses de bière. La moitié maintenant, le reste après le succès de l’entreprise. »

Le vieux tahua resta immobile quelques instants. Il se leva. Il dit :
– « D’accord. Mais je vois que tu n’as pas confiance. Aie confiance. Je ne parle pas si je ne peux pas. Si je ne réussis pas. chaque gosse de Tahiti se moquera de moi, me dira que mon « mana », mon pouvoir, est comme une banane pourrie. Juste bon pour les poules. Ce serait pire que la mort. Vivre dans le mépris de la communauté. Tu risques quelques bouteilles. Je risque ma vie. Penses-y bien. Pense aussi au pauvre tupapa’u. Le pauvre. Ça fait pitié. Il n’a plus de maison. Pour l’éternité. »

Les bagagistes chargèrent la précieuse cargaison dans la vieille guimbarde.

Une marche sur le feu

Le vieux donna ses instructions aux employés pour les préparations de la fosse. Leur indiqua où chercher les galets. Quel bois était nécessaire pour le feu. Lorsqu’il quitta l’hôtel au volant de son tacot avec la mamie à l’arrière, coincée entre les caisses de bière, il fut ovationné par tous les employés de l’hôtel. Il était pour eux la preuve concrète que le mana (le pouvoir) du Tahiti ancien, était encore bien vivant.

Le tahua vint tous les soirs à l’hôtel, s’asseoir au bord de la grande fosse qui avait été creusée. Il récitait des vieux cantiques monotones. Restait immobile des heures. Inspecta le bois posé au fond de la fosse. Puis les tonnes de galets qui furent posés sur le bois. Il passa des soirs entiers à frotter les galets avec les feuilles de ti, un arbrisseau aux longues feuilles vertes.

La fosse était prête. La cérémonie se déroulerait le vendredi soir. Romain avait convié tous les clients de l’hôtel. Autant mettre à profit tous ces salamalecs en les transformant en animation touristique. Au moins cela servira à quelque chose, pensa-t-il. Le tahua arriva avec une petite troupe composée uniquement d’hommes. Surtout des vieux. Tous vêtus de pareu. Romain reconnu deux employés. Des torchères avaient été disposées tout autour de la grande fosse. Le tahua avait allumé le bois le matin. Maintenant, il faisait nuit et la lueur rougeâtre des cailloux chauffés donnait une ambiance dantesque au jardin.

Un tambour tahitien solitaire sonnait une cadence presque mortuaire.

Tous les clients de l’hôtel étaient présents. Mais aussi une foule de gens de Papeete. Surtout des locaux. Assis sur l’herbe autour de la fosse, mais à une certaine distance. Radio Cocotier avait encore fonctionné à merveille. Personne hors de l’hôtel n’avait été invité.

Le tahua et un autre vieux ramassèrent chacun deux branches de ti. En les tenant comme des cierges, ils s’avancèrent vers le bord de la fosse. Le silence tomba sur la foule. Le tambour sonna un peu plus vite. Les deux vieux s’avancèrent. Pieds nus sur les galets brûlants. Ils étaient comme en transe. Frappant les galets devant eux avec les feuilles de ti, lentement ils franchissaient la fosse. Les pieds se posaient d’un caillou brûlant à un autre. La foule était médusée. Fascinée.

Enlève tes chaussures !

Le tahua et l’autre vieux firent le tour de la fosse, toujours calmement, en silence. Ils se dirigèrent vers Romain. Qui les félicita, lorsque le vieux lui parla :
– « Qu’est-ce qu’il dit ? » demanda Romain à son voisin.
– « A ton tour maintenant. Enlève tes chaussures. »

Romain tomba des nues. Refusa. Le vieux expliqua calmement que c’était avec lui que l’esprit était fâché. Alors il devait y aller. Ou tout serait vain. S’il croit au fantôme, il n’y aura pas de brûlures. Et il montra ses pieds. – « Il faut juste penser et croire au tupapa’u. » expliqua le vieux.

Romain regarda autour de lui. Des milliers d’yeux le fixaient. Ses clients aussi. C’était un vrai piège. Il pensa à sa carrière. Il devait y aller. Il n’y avait pas d’autre issue. Il enleva ses chaussures.

Lentement, il s’avança vers la fosse. La chaleur lui frappa la figure. Il eut un geste de recul. Mais les deux vieux étaient à ses côtés. Ils lui attrapèrent chacun un bras. Le tahua lui souffla : – « Toi, pense au tupapa’u ! »

Romain essaya. Il se força à penser au fantôme. Les vieux le tenaient ferme et avançaient lentement. Il sentit la chaleur sous ses pieds. La douleur. Il voulut crier. Il ne put. Aucun son ne sortit de sa gorge. Il pensa au fantôme. La douleur disparut. Les vieux le portaient presque. Ils avaient une force inouïe. Puis ils le lâchèrent. C’était fini. Il avait réussi. Il marchait sur l’herbe. La tête lui tournait, mais il se contrôla.

La foule, alors, se mit à applaudir. Il était entouré de connaissances et de cadres qui le félicitaient. Tout le monde voulut lui serrer la main. La foule s’écarta. Le tahua vint vers Romain et le congratula. Romain le remercia et l’invita au bar. Mais le tahua s’éclipsa discrètement.

Beaucoup plus tard, après quelques whiskys secs et après avoir répété maintes fois ses impressions aux notables qui le félicitaient. Romain regarda ses pieds qui lui faisaient de plus en plus mal. Ils étaient brûlés. Il se fit conduire à l’hôpital. L’infirmier de garde, déjà au courant, l’accueillit comme un héros. Mais lorsqu’il examina les pieds, son visage s’assombrit :
– « Tu n’as pas écouté le tahua. Tu n’as pas pensé au tupapa’u. Tu aurais dû écouter le vieux. Regarde. Tu as des brûlures au second degré. »

Romain quitta l’hôpital avec deux immenses bandages protégés par des sacs en plastique aux pieds.

Le lendemain, il était furieux. Il sortit à peine de son bureau. Il était obligé de marcher avec des béquilles. Lorsqu’il regardait les gros bandages, il se demandait comment se venger.

Il pensait être la risée de Papeete, mais en fait il était le héros de l’île.

De nouvelles coupures d’eau

Le lundi suivant, l’arrivée d’eau fut interrompue comme d’habitude. Entendant cela. Romain devint vraiment fou de rage. Il voulut égorger le sorcier. Lui passer les pieds au chalumeau ou les lui mettre dans la grande rôtissoire. Et si l’on apprenait au siège qu’il s’était fait pigeonner par un sorcier indigène. Qu’il lui avait donné la clef du bar pour ensuite se faire rôtir les pieds. Sa carrière serait foutue. Il dirigerait un troisième classe le long de l’autoroute du Nord.

A ce moment, l’on frappa à la porte. C’était l’ingénieur et le jardinier, lequel parla : – « Patron, ça y est ! J’ai trouvé le tupapa’u. »
– « Quoi ? Tu oses me parler de tupapa’u ! Regarde mes pieds. »
– « Ca, ça fait pitié patron. Mais écoute. J’ai trouvé. C’est les gosses. Ce matin, je suis venu en retard car la sœur de ma belle-mère avait un pneu crevé sur sa Ln venant ici, avec une heure de retard, je suis passé devant les buissons d’hibiscus. Là-bas. A l’autre bout. J’ai entendu comme un gémissement. Je suis allé voir. C’était les gosses de Marna Iris. Ils étaient assis sur le gros tuyau qui envoie l’eau à l’hôtel. Derrière la grosse vanne. Ils tournaient la grosse vanne dans tous les sens. C’est un volant de camion pour eux. Ils jouent aux conducteurs tous les matins en attendant le truck (autobus tahitien) de l’école. Ils font des grands “vroum, vroum » en tournant la grande roue. C’est comme ça qu’ils coupent l’eau de l’hôtel. Comme il n’y a pas d’école le week-end, ils ne jouent pas et ça coupe pas l’eau. »

Le directeur ne répondit pas. Il regarda seulement ses pieds. L’ingénieur enchaîna : – « J’ai mis une grosse chaîne et un gros cadenas. Cela ne se produira plus. »

Romain continuait de regarder ses pieds. – « T’es pas content que j’ai trouvé ? » demanda le jardinier avant de partir. Il ne répondit pas. Il était en train de préparer le discours qu’il allait tenir au tahua. Il l’attendait, celui-là. Lui et son tupapa’u.

Le retour du tahu’a

Le tahua arriva en milieu de semaine. A l’arrière de la camionnette étaient les caisses de bière vides. Coincées entre les caisses, cette fois-ci. Se trouvaient deux vieilles mamies tahitiennes. Elles avaient les couronnes de fleurs en travers sur la tête, une guitare et un ukulele à la main. Elles jouaient et chantaient assez fort. Elles venaient juste de terminer la dernière caisse de bière. Bien sûr, ce beau monde alla encore se garer juste devant le hall d’entrée. Ah ça ! De la couleur locale, les touristes en eurent pour leur argent !

Romain arriva en boitant, les pieds de momie dans les sacs plastiques. Il commença à crier et gesticuler en montrant ses pieds avec sa béquille. Le tahua ne compris rien. Le bagagiste vint traduire : – « Que viens-tu faire ici ? Je devrais t’envoyer au tribunal. Regarde mes pieds. »
– « Ton problème est réglé. Les esprits t’ont pardonné. J’ai tenu ma parole. Je viens pour la seconde moitié de la tienne. »
– « Mais il n’y avait pas de fantômes. C’était des gosses. Fous le camp ou j’appelle les flics ! »

Le vieux resta silencieux quelques minutes. Il ne perdit ni son calme ni son sourire : – « Tu n’as rien compris. C’est le tupapa’u qui a crevé le pneu de la sœur de la belle-mère de Petero. Comme cela il a été en retard. Comme cela il a pu voir les gosses. Comme ça vous pouvez mettre un cadenas. Le tupapa’u ne peut pas mettre de cadenas, lui. »

Loin d’être convaincu. Romain s’énerva plus encore : – « Tu me prends pour un idiot, toi et tes balivernes. Vas-t-en. Tu n’auras rien et je ne veux plus jamais te voir ici. »

Le vieux resta silencieux. Puis il fit signe à une mamie de décharger les caisses vides. Le vieux se tourna vers Romain : – « Tu n’es pas gentil. Tu ne tiens pas ta parole. L’esprit va encore se fâcher. Il ne faudra pas venir me chercher alors. »
– « Je me suis laisse prendre une fois. Pas deux. Les fantômes, ce sont des sornettes. »

Le fantôme sévit de nouveau

A ce moment, un bagagiste arriva en courant : – « Patron, patron, il n’y a plus d’électricité dans l’hôtel ! »

Romain se tourna vers la grande salle de réception. Elle était dans l’obscurité. Les mamies terminaient de décharger les caisses vides. Le tahua remonta dans la guimbarde. Les mamies prirent place à l’arrière, silencieuses. Le vieux démarra le moteur qui avait des ratés.

Romain se tourna vers lui, le regarda : – « Attendez. Monsieur, un moment. »
Et donna l’ordre au bagagiste : – « Mettez dix caisses de bière et deux caisses de whisky dans la camionnette de Monsieur. Tout de suite. »

Hôtel Maeva beach de nuit

L’hôtel Maeva Beach vu de la mer la nuit.

Les deux mamies donnèrent un grand sourire édenté à Romain et recommencèrent à brailler leurs chansons. Et la centaine de lampes néon de la réception se rallumèrent en clignotant.

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Sources :

Alex du Prel, Tahiti Blue 1990
Alex du Prel, Le Bleu qui fait mal aux yeux, 1ère Ed. Au vent des îles 1999, 4ème et 5ème ed. Editions de Tahiti 2004