La belle mais triste légende polynésienne nous raconte l’histoire d’un père qui refuse de reconnaitre son fils né d’une brève rencontre avec une femme lézard dans la vallée de Papenoo.

L’amour les yeux fermés

Il était une fois à Papenoo, un chef célibataire du nom de Pa’iti’a (Jugement-exact) qui allait dans la vallée pour chercher du bois pour la construction d’une pirogue. Chemin faisant, il rencontra dans un ravin un grand lézard nommé Mo’o tua raha (lézard au large dos). Voyant le chef, ce monstrueux lézard femelle s’en éprit et l’envoûta. Pa’iti’a eut l’impression d’avoir vécu longtemps dans un bonheur parfait, alors que tout s’était passé en une heure, en fin d’après-midi, et il rentra chez lui sans se souvenir de rien.

Quelque temps après, Mo’o-tua-raha donna naissance à un fils qu’elle appela Pa’iti’a, et qui était le portrait de son père.

Une reconnaissance de paternité délicate

Une quinzaine d’années plus tard, il y eut une grande fête dans le pays. Chaque clan se présenta en procession à son chef en indiquant sa généalogie. Le garçon, à qui Mo’otuaraha avait enseigné ce qu’il fallait dire, se rendit à la fête élégamment vêtu d’un pagne découpé dans la peau du ventre de sa mère, et dit en se présentant devant le chef : « Je suis Pa’iti’a, ton fils »

Ceci provoqua un étonnement considérable parmi l’assemblée, et le chef mystifié lui répondit : « Non, je n’ai pas de femme ! Tu n’es donc pas mon fils ! »
Alors ceux qui étaient présents s’écrièrent : « Il doit être ton fils, ô notre chef, car vois comme il te ressemble !  »

Et quelle ne fut pas l’humiliation du chef lorsque le garçon ajouta : « Je suis Pa’iti’a, le fils que tu as eu avec Mo’otuaraha que tu rencontras dans le ravin en rentrant chez toi »

La fuite de responsabilité

Le chef ne pouvait pas donner au fils d’un lézard une place dans sa famille. Il fut accablé par cette révélation faite devant son peuple et devant la noblesse qui s’honorait d’une ascendance sans tache. Humilié, il partit pour s’isoler sur l’atoll de Teti’aroa, séjour de prédilection de la famille royale.

Mo’otuaraha se rendit à la nage jusqu’à l’île pour tenter d’y plaider la cause de son fils. Mais, dès qu’il l’aperçut, le chef horrifié, envoya ses gens pour la tuer. Quelques instants après, au moment où elle essayait de prendre pied sur le rivage, la pauvre mère lézard était assommée, et son cadavre resta longtemps abandonné à cet endroit.

On dit que les descendants du fils rejeté de Mo’otuaraha vivent encore de nos jours.


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Sources :

T. Henry, Tahiti aux temps anciens, Société des Océanistes
Légendes polynésiennes – Haere Po no Tahiti 1991