Le premier modèle de savates serait né, à en croire la légende, sur l’île de Reao, aux Tuamotu. Un pêcheur et sa femme se régalèrent longtemps d’un drôle de poisson dont la peau servi à fabriquer la fameuse paire de chaussures.

À Reao (Tuamotu) un vieux pêcheur qui s’appelait Remoera allait à la pêche tous les jours pour nourrir sa famille. À chaque fois, il revenait avec les pieds blessés. Sa femme qui l’aimait tendrement le soignait avec des feuilles de nono et de l’huile de coco.

Le poisson qui gonfle

Une nuit de pleine lune, Remoera alla à la pêche aux langoustes mais ne trouva rien. Ce soir-là, les langoustes étaient capricieuses. Tout à coup, il vit un drôle de poisson qu’il n’avait jamais vu auparavant. Quand il le piqua avec son harpon, celui-ci se mit à gonfler.

Remoera, le mit dans son panier en niau (feuilles de cocotier tressées) et rentra en boitant. Arrivé à la maison, sa femme le soigna. Le lendemain matin, Hinarere se leva pour préparer le petit déjeuner et comme il n’y avait rien à manger, elle prépara le drôle de poisson que son mari avait pêché.

Le meilleur des poissons

Elle enleva la peau gluante et sans écailles qu’elle jeta sur la plage. Il était délicieux et avait meilleur goût que tous les autres poissons qu’ils avaient mangé jusqu’alors. Ils le dégustèrent avec du lait de coco, du taro (igname) et du poe (purée de fruit et d’amidon). Depuis ce jour-là, à chaque nuit de pleine lune, Remoera alla à la pêche au drôle de poisson qu’il avait appelé hue.

Le hasard fait bien les choses

Un jour, vers midi, Remoera se rendit sur la plage. Le sable lui brûla tant les pieds qu’il courut vers la mer. Au passage, quelque chose s’accrocha sous son pied. C’était une peau de hue à moitié sèche que Hinarere avait lancé avant de cuisiner le poisson !

Remoera se rendit compte qu’il ne sentait plus la chaleur du sable. Il marcha sur le récif et ne se blessa pas ! La peau très épaisse du poisson protégeait son pied. Le vieux pêcheur eut une idée : il retourna sur la plage pour ramasser les peaux sèches qui traînaient et les mena dans son atelier. Là, il commença à découper, à tresser, à enfiler… Il travailla tout l’après-midi et c’est ainsi que les premières savates virent le jour.

Aujourd’hui, lorsqu’on parle des habitants de Reao, on les appelle Reao ‘amu savates (les mangeurs de savates).

Un poisson poison

Le hue, de son nom latin Arothron meleagris, possède un corps allongé, de petites nageoires dorsales et anales. Il n’a pas de nageoires pelviennes. Sa peau est lisse et sans écaille.

Il vit dans les lagons, le long des pentes externes des récifs coralliens riches de tout le Pacifique tropical et de l’océan indien.

Poisson Hue (Tuamotu) - Arothron-meleagris

Hue, Arothron meleagris

Pour se défendre, il se gonfle d’eau et se transforme en une sorte de ballon difficile (voire impossible) à avaler par le prédateur. En augmentant son volume le hue paraît aussi plus impressionnant. L’astuce est peu banale ! Si vous restez de marbre, sachez que ce n’est pas là son seul secret.

Le hue peut tuer celui qui le consomme ! En effet, une toxine (la tétrodoxine) se loge dans sa peau, ses viscères et ses gonades (les organes reproducteurs, c’est-à-dire les testicules et les ovaires). Cette toxine entraîne une paralysie progressive qui peut mener jusqu’à la mort (défaillance respiratoire).

Le hue fait partie de la même famille que le fugu, très apprécié au Japon pour la finesse de sa chair, qui cause en 20 et 100 décès par an au pays du soleil levant.

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Sources :

Élèves de l’école Tapuava de Reao, juin 2000 Directrice Adrienne Teahuotoga et instituteurs Jerry Afo, Poema Marurai et Patricia Teihotu.
Source : DORIS (Données d’observations pour la reconnaissance et l’identification de la faune et la flore subaquatique)
DB déc 2016