Vaitepaua, surnommé « Makatea City » est le village principal de Makatea, cette île du bout du monde, qui au milieu du XXè siècle a mis un pied dans la civilisation industrielle.

Lorsqu’on arrivait par mer à Makatea, seuls les installations portuaires et le centre de transformation du minerai étaient visibles. Il fallait gagner une cinquantaine de mètres en altitude pour se trouver aux portes de la cité : Vaitepaua.

Makatea City, le village de Vaitepaua

Vaitepaua était le village principal de l’île de Makatea. Son nom renvoie au paua, une famille de palmiers qui, tressés, servaient de réceptacle pour l’eau de pluie, aux temps anciens.

Petite ville de par sa population et sa vie interne, « Makatea City » est devenu avec l’exploitation du phosphate une véritable ville industrielle qui avait des allures de ville champignon de la ruée vers l’or. En 1950, il y avait 3 000 travailleurs. Mais avec les habitants de l’île, les femmes et les enfants, il fallait plutôt compter 7 000 personnes sur l’île. Engoncée dans une luxuriante végétation, l’agglomération urbaine s’établissait sur 1500 m de longueur vers l’intérieur de l’île. Les 2 000 âmes qui l’animaient habitaient de coquettes maisons en bois entourées de jardinets. Il n’y avait pas de route à Vaitepaua mais le fameux petit train qui traversait le village.

Les logements à Vaitepaua

Maisons à Vaitepaua, Makatea, dans les années 1920

Maisons à Vaitepaua, Makatea, dans les années 1920

Logements collectifs du village de Vaitepaua, à Makatea vers 1930

Logements collectifs de Vaitepaua vers 1930

Au village de Vaitepaua, étaient regroupés les maisons d’habitation du personnel et les camps des travailleurs. Les maisons en bois sur pilotis avec des toitures en tôle ondulée de style colonial étaient fabriquées sur place.

Les travailleurs du phosphate étaient logés par la Compagnie, dans des constructions collectives en bois, regroupés dans les dortoirs par pays pour éviter les bagarres. Ils avaient la possibilité de prendre leurs repas au réfectoire qui dépend de leur dortoir ou s’ils le préfèraient aller au restaurant chinois, ou s’entendre avec des parents ou amis. Les manœuvres mariés ou en ménage ont une chambre et une véranda particulières.

Une citerne recueillant les eaux de pluie alimentait les douches et lavabos. A la cuisine l’eau était rendue potable grâce à un filtre qu’il fallait changer souvent, car la peinture rouge de la toiture en tôle ondulée les encrassait rapidement.

L’électricité provenait de la centrale de la Compagnie qui alimentait tout le village selon des normes américaines (en 110 volts et 50 périodes) ce qui nécessitait d’installer sur le tourne disque une rondelle lui permettant de tourner à la bonne vitesse. Les W.C. étaient dans un petit cabanon attenant à la maison et la chasse d’eau était remplacée par un peu de chaux vive.

« Enfin, il ne fallait pas oublier de mettre sous les quatre pieds de la table de la cuisine une petite coupelle remplie de pétrole pour empêcher les fourmis de s’attaquer aux moindres miettes traînant sur la table après les repas ! »

Le centre administratif de Makatea

Le centre urbain est aussi le centre nerveux de ce petit état qu’était à cette époque Makatea. Des écoles et une gendarmerie-poste administratif faisaient du village une cité permettant à l’île d’avoir une vie organisée de façon autonome. Vaitepaua comportait également un hôpital, une maternité et un cabinet dentaire où tous les insulaires sans distinction, étaient soignés gratuitement. Heureusement, car une fois, il y a eu une épidémie de diarrhées et presque tout le monde s’est retrouvé à l’hôpital.

Des écoles et une gendarmerie-poste administratif faisaient du village une cité permettant à l’île d’avoir une vie organisée de façon autonome. Makatea possédait un téléphone automatique de 100 postes ; l’eau courante et l’électricité dans pratiquement toutes les maisons.

Il y avait une maison de jeunes où l’on se retrouvait le soir, entre protestants car il n’y avait pas de mélange en ce temps là. A Noël, au jour de l’an et au quatorze juillet, on pouvait boire de l’alcool qui était vendu par la compagnie. II y avait le bal ou souvent il y avait alors des bagarres, notamment contre les Rarotongiens. Mais, il n’y avait pas de mort, raconte Viritua à Viritua

Le temple protestant de Makatea en 1958

Le temple protestant de Makatea en 1958

Magasin de Vaitepaua, Makatea

Magasin du village de Vaitepaua en 1958

Les commerces de Makatea

La plupart des travailleurs prenaient leurs repas au réfectoire mis en place par la société, mais certains préféraient acheter des denrées aux magasins ou se restaurer aux roulottes. Le village comportait deux restaurants, deux débits de boisson, 34 roulottes ambulantes, trois coiffeurs, deux tailleurs, trois menuisiers, deux photographes et surtout, très important trois réparateurs de vélos.

Il y avait une boucherie, une poissonnerie et un magasin général géré par la Compagnie. Les alcools, tels que le cognac et les liqueurs n’étaient accessibles qu’à l’encadrement.

Chez le boucher, les morceaux nobles étaient réservés à quelques privilégiés, mais pourtant ils étaient étaient vendus au même prix que les bas morceaux, disponibles « pour tous »

Les loisirs à Makatea

La Compagnie avait installé un tennis, deux terrains de basket-ball et un terrain de football mais beaucoup préféraient aller pêcher en mer. En plus des salles de billards, il y avait deux cinémas dont l’un passait surtout des westerns qui plaisaient beaucoup aux Tahitiens et l’autre projetait plutôt des films français pour les cadres. Le seul inconvénient de ces salles, était le martelement sourd provoqué par la pluie sur la toiture en tôle ondulé rendant toute audition impossible.

Le dimanche, certains des habitants de Makatea étaient pris par les groupements de jeunesse protestants. Les pratiquants des diverses religions allaient aux offices. Il y avait quatre clubs sportifs sur l’île. Une bibliothèque très fournie étaient approvisionnée constamment de revues illustrées dont les images, au moins, intéressaient beaucoup.

La radio TDF était importante car elle permettait de rester connecté au reste du monde. Les commerçants chinois permettaient l’écoute collective de leur poste et c’est chez eux surtout que se réunissaient le soir les travailleurs qui commentaient musique et nouvelles.

La place du tennis à Vaitepaua, Makatea

La place du tennis à Vaitepaua, Makatea

Un repas tahitien à Makatea - C de Balman

Un repas tahitien à Vaitepaua

Commentaires

Sources :

Louis Molet, 1962. Importance sociale de Makatea dans la Polynésie française. Journal de la Société des Océanistes, Paris
Correspondance de Jean Virmouneix, mutoi farani en 1947, chef de poste, c’est-à-dire gendarme.
Danton H., 1992. – Makatea. Bulletin de la Société des Études Océaniennes, Paris, n° 258-259
Pierre-Marie Decoudras, Danièle Laplace et Frédéric Tesson, Makatea, atoll oublié des Tuamotu (Polynésie française) : de la friche industrielle au développement local par le tourisme, Les Cahiers d’Outre-Mer, 230 | 2005, 189-214.
Olivier Babin et Clause Serra. 1995. Développement touristique de Makatea.
Photo 1 : Vaitepaua, Makatea city, en 1962. Photo Molet