Le Fe’i occupe une place unique dans la culture polynésienne. Cette banane montagnarde, reconnaissable à son régime dressé vers le ciel, demeure l’un des symboles végétaux les plus forts de Tahiti. Ses couleurs vives, son histoire ancienne et son goût singulier en font un fruit aussi nourrissant que culturellement précieux.

Le Fe’i, une banane endémique et légendaire

Le Fe’i (Musa troglodytarum) est une variété endémique de Polynésie. Son régime orangé se distingue immédiatement par sa position verticale. Contrairement aux bananes classiques, les fruits se tournent vers le ciel. Cette singularité nourrit d’ailleurs une célèbre légende polynésienne.

Une histoire transmise par les anciens

Selon la tradition, les meia (bananes) des plaines portaient autrefois leurs fruits dressés, tout comme le Fe’i des montagnes. Mais un conflit imaginaire opposa les deux espèces. Les meia, moins vigoureux, perdirent le combat. Depuis, elles penchent la tête, signe éternel de leur défaite.
Cette légende renforce le lien profond entre les Polynésiens et le Fe’i.

Un géant herbacé des montagnes

Le Fe’i pousse sur une plante herbacée impressionnante. Elle forme des touffes de tiges pouvant atteindre 12 mètres. Ses grandes feuilles vert brillant s’élèvent rapidement.

Le bananier développe en moyenne une feuille par semaine. L’inflorescence apparaît au cinquième mois, entre la 21e et la 22e feuille. La récolte intervient environ un an après la plantation. Ensuite, la tige dépérit naturellement. De nouvelles pousses prennent le relais grâce au rhizome.

Fei de Tahiti cuit - Banane plantain de montagne cuite

Fei de Tahiti cuit 

Marché au fei de Papeete en 1908. Cliché Bopp

Marché au fei de Papeete en 1908. Cliché Bopp

Une banane colorée, nutritive et facile à cuisiner

Le Fe’i appartient à la famille des bananes plantain. On le consomme uniquement cuit. Sa peau orange à rouge brique et sa chair jaune vif en font un fruit immédiatement reconnaissable. Sa sève violette, très pigmentée, sert même de teinture indélébile.

Conservation et maturation du Fe’i

Les régimes se conservent entiers ou en mains séparées. Pour mûrir, le Fe’i préfère une température située entre 15 et 20°C. Il lui faut alors de quatre à dix jours pour passer du vert au mûr.

Un féculent riche en énergie

Cuit, le Fe’i offre une saveur sucrée et acidulée très appréciée. Il contient moins de sucre que la banane plantain classique. De plus, il apporte bêta-carotène, minéraux, protéines et énergie. Léger et digeste, il accompagne parfaitement un repas traditionnel.

La pulpe du fruit, vire au jaune orangé après cuisson. Le colorant passe dans les urines qu’il teint en jaune verdâtre, ce qui ne manque pas d’inquiéter sérieusement les touristes qui viennent de déguster un ma’a tahiti.

Comment déguster le Fe’i ?

En Polynésie, le Fe’i accompagne la viande, le poisson ou le lait de coco. Sa peau se retire en un geste simple, avant ou après la cuisson.

Trois modes de cuisson populaires

  • À l’eau
  • Au four
  • Rôti dans le four tahitien, le Ahima’a

Ces cuissons mettent en valeur sa texture fondante et son goût légèrement acidulé.

Le Popoi Fe’i

Pour préparer le Popoi Fe’i, écrase le Fe’i cuit et ajoute du lait de coco. Cette préparation crée une crème jaune dorée, douce et légèrement laxative. Autrefois, les familles polynésiennes l’offraient souvent aux bébés.

Le Poe Fe’i

Le Poe Fe’i mélange la pulpe de Fe’i à de la farine de manioc. Le tout cuit dans des feuilles de bananier ou au four. Après cuisson, on sert ce dessert généreusement nappé de lait de coco.

Congélation et conservation longue durée

Le Fe’i se congèle très bien, cru ou cuit. Pour conserver sa texture, étalez les rondelles sur une plaque recouverte de papier sulfurisé. Placez-les 12 heures au congélateur. Rangez ensuite les morceaux dans un sachet ou une boîte hermétique. Ce procédé évite qu’ils collent entre eux.

Le Fe’i dans l’artisanat polynésien

La plante du Fe’i possède de nombreuses utilisations. Son écorce sèche sert à fabriquer nattes, chapeaux, paniers et éventails. Sa sève violette permet également de produire une encre résistante. Les anciens s’en servaient pour copier les premiers textes bibliques apportés par les missionnaires protestants.

Légende polynésienne liées au Fe’i

De nombreuses histoires entourent le Fe’i. Parmi elles :

Ces récits renforcent la dimension culturelle et sacrée de ce fruit emblématique.

Commentaires

Sources :

Teuira HENRY, Tahiti aux temps anciens, Soc. des Océanistes N°1. Musée de l’homme, Paris 2004.
Takau POMARE, Les mémoires de Marau Taaroa, Soc. des Océanistes, N°27. Musée de l’homme, Paris 1971.
Paul-Henry PETARD, plantes utiles de Polynésie, haere po p117
F.GREPIN &M.GREPIN, la médecine tahitienne traditionnelle, raau Tahiti, ed. du Pacifique.
AI 30 nov 2026