Le jeune Kena de Hiva-Oa passait ses journées à surfer sur les vagues en délaissant sa femme Tefi’oatinaku, qui l’abandonna. Pour essayer de la reconquérir, Kena se fit tatouer en sept jours entièrement le corps. Cette ancienne légende marquisienne était chantée lors des tatouages en battant le rythme avec le maillet sur le peigne à tatouer.

La naissance de Kena

La mère de Kena, Tiahee, donna naissance pendant de nombreuses années à des enfants prématurés. Disons plutôt des morceaux d’enfants. Des bras, des jambes, des troncs, des mains, jusqu’aux yeux et aux oreilles qui naissaient séparément, tous vivants mais ne formant pas un ensemble cohérent.

Enfin, après de longues années d’attente, Tiahee donna naissance à un garçon en entier tout à fait normal. Tiu, le père fou de joie, appela son fils Kena. Il se réjouissait en pensant qu’un jour Kena serait un homme capable de le seconder lors des parties de pêche et de jardinage.

Malheureusement, une fois adulte, Kena se révéla être un garçon très paresseux qui n’arrivait même pas à se mettre debout. Après bien des tentatives de persuasions et de menaces, le père lors d’un accès de colère le mis à la porte de sa maison.

Le départ à l’aventure

Alors qu’il était sur le point de partir, tous les morceaux d’enfants, ses frères et sœurs, se mirent à pleurer et à l’appeler. Leur mère avait placé ces morceaux vivants dans un panier suspendu à la charpente de la maison. Elles voulaient toutes s’en aller avec Kena.

Kena les pris avec lui et partit à l’aventure parcourant vallée après vallée. Ses morceaux de frères et soeurs le conseillaient et l’encourageaient. Il devint ainsi un grand héros en devenant très habile dans le maniement des armes, le lancer de javelot et dans beaucoup d’autres sports ou jeux d’adresse. Il avait en permanence avec lui ses frères et sœurs qui lui indiquaient dans quelle position il allait dominer, et comment gagner. C’était grâce à cette aide qu’il terminait toujours vainqueur.

Une femme délaissée

Quelques temps plus tard, Kena s’installa au village de Taaoa (Hiva Oa) où il se maria avec sa jolie cousine Tefi’oatinaku, surnommée Tefi’o. Il aimait bien jouer avec sa planche de surf sur les vagues. Mais une fois il ne vit pas le temps passer et joua pendant des jours et des jours. Quand il rentra chez lui, entièrement couvert d’algues gluantes, sa femme l’abandonna avec dégout.

Il partit, errant à l’aventure, se remaria plusieurs fois, de place en place, et, enfin, il atteint Atunoa où une grande princesse était en train d’organiser la séance de tatouage de son fils ainé. Kena décida alors d’en profiter pour obtenir un magnifique tatouage pour essayer de reconquérir sa première épouse, Tefi’o.

Un tatouage complet

Il commença, par un tour de magie, à se rapetisser à la taille enfant, afin de passer inaperçu. Ainsi, il pu obtenir, en sept jours, un tatouage complet du corps. Pour une personne normale ; un tel tatouage complet aussi délicatement tatoué aurait nécessité au moins sept ans. Kena, grâce à sa magie, était capable de le supporter. Chaque soir, il couvrait de suies son nouveau tatouage, jusqu’à devenir entièrement noir à la fin des tatouages.

Une fois le travail terminé, il reprit sa taille normale et se dirigea vers le village paternel. Là, il construisit un grand bassin carré en pierre de lave et se baigna dedans, se lava, et regagna, à la nuit, la maison de ses parents.

Quand il arriva devant la maison, un éclair illumina la silhouette, en l’éclairant, du bras jusqu’à l’aisselle.

Qu’est-ce que c’est que cet être ? s’écria sa mère !
Je pense qu’il s’agit de notre fils, répondit son père.

Il fut bien accueillit.

La fête de la fin des tatouages

Il devait se procurer des cochons et du poisson, du poipoi et des fruits, pour apporter à Atunoa pour la grande fête qui célébrait la fin des tatouages. Le jour suivant sa mère fit la tournée des maisons amies.

Elle dit à Kena :  » Retournes à Atunoa, quand ce sera le jour des offrandes, la population du village apportera tout ce qu’il faut pour la fête et l’apportera à la maison de tes compagnons les Ariois. » Ainsi Kena s’en fut et donna les présents.

Le matin de la fête, la mère décora son fils d’une belle parure de plumes noires d’oiseaux rares, relevée d’une plume rouge sacrée… De plus il vêtit : un tablier réalisé avec des barbes de vieillards, des boucles d’oreilles en ivoire, un collier en dents de cachalot, des plumes et guirlandes faites en cheveux nouées aux chevilles.

Sa première femme Tefi’o était avec les autres femmes. Ce fut une grande fête, avec danses, chants, musiques, et surtout le grand tambour qui battait pendant que les hommes et femmes montraient leurs nouveaux tatouages à la foule. Kena fut le plus beau de tous.

Quand vint la fin de la nuit, Tefi’o vint à ses cotés. Kena lui dit :  » Viens à moi; veux-tu que nous soyons réunis à nouveau ? »

Tefi’o accepta…


Commentaires

Sources :
Kaoro Gilmore, Légende de Kena (texte en marquisien et traduction par Henri Lavondès). Société des Océanistes 1997.  volume 104  Numéro 1  pp. 79-91
Karl von den Steinen. Kena la légende du tatouage marquisien – ha’akakai ‘enata. (texte marquisien et traduction par Michael Koch) 1974 Editions Haere Pō
Estampes Jules Verreaux, Marquisien entièrement tatoué. Illustrations de L’Océanie en estampes, 1832. Musée de l’homme