Kio, une sorte de sirène venue des profondeurs du lagon qui s’introduit dans une famille pour prendre la place de la véritable épouse. Elle se trahira par sa façon de traiter les enfants de sa rivale. Elle sera punie comme elle le mérite et les enfants retrouveront leur véritable mère.

Une pêche tranquille

Sur le petit atoll de Vahitahi de l’archipel des Tuamotu, vivait un homme dénommé Tu et sa femme Kuhikiave qui était enceinte. Un jour, ils allèrent chercher de quoi rassasier leur faim. Ils montèrent à bord de leur pirogue et partirent à la rame. Arrivés près d’un paquet de rochers, ils y fixèrent leur ancre. Tous deux commencèrent à pêcher. La femme plongeait ramasser des bénitiers et remontait sur la pirogue les ouvrir. Le mari lançait son hameçon, et quand il attrapait le poisson, le hissait à bord pour le décrocher. Ils continuèrent ainsi jusqu’au bout.

Parua, Bénitier

Parua, Bénitier

Kio prend la place de Kuhikiave, la femme de Tu

Alors, Tu dit à sa femme: « Il se fait tard, rentrons à la maison ». Elle lui répondit : « Oui, après un dernier plongeon » et plongea de nouveau.

Quelques instants plus tard, Tu vit une femme émerger au milieu des flots. Il pensa tout naturellement que c’était sa femme. Or c’était Kio, qui sortait de l’eau. Kio, appelée également Te Mohine-tihoro-puga (la femme-qui-hante-la-pierre à chaux). Celle ci, une sorte de sirène venue des profondeurs avait emprunté l’aspect et le comportement de Kuhikiave. Elle grelottait de froid et paraissait enceinte.

Kio proposa à Tu de rentrer à terre. Ils levèrent l’ancre et ramèrent tous deux. Ils n’étaient pas très éloignés du pâté de corail lorsque Kuhikiave émergea à son tour. Elle regarda autour d’elle, la pirogue était partie! Aussitôt elle cria à son mari : – « Tu, Tu, reviens me chercher. C’est une étrangère qui est avec toi. C’est Kio, te Mohine-tihoro-puga. Moi, Kuhikiave, je suis là ! »

Kio, de son coté, dit à Tu : « Non, c’est moi, Kuhikiave, celle qui t’appelle c’est Kio, te Mohine-tihoro-puga. Tu ne savait plus qui croire. Il continua cependant de ramer et tous deux arrivèrent à leur demeure.

Kio, pénétra dans la maison, se vêtit des vêtements de Kuhikiave, et s’installa comme chez elle, en tressant des feuilles de pandanus apprêtées par Kuhikiave. Elle resta auprès de son mari, jusqu’au moment ou il fallut préparer le repas. Lors des repas, elle servait d’abord les enfants, puis Tu.

La supercherie est découverte

Elle agit ainsi, soir et matin, pendant environ trois jours. Mais le jour suivant, les deux enfants arrivèrent au moment du repas de leur père. Ils s’assirent tous deux et voyant que leur père dégustait des plats de qualité, ils lui demandèrent: « Tu manges une nourriture excellente. Notre nourriture à nous deux est composée d’excréments, et notre boisson est de l’urine. »

Alors Tu comprit que cette femme n’était point la sienne, mais que c’était Kio, te Mohine-tihoro-puga. Aussitôt, il alla fermer toutes les issues de la maison. Voyant cela, Kio lui demanda : « Pourquoi fermes-tu ainsi la maison ? Je ne peux pas tresser le pandanus dans le noir ? Elle pensait que Tu voulait uniquement fermer les issues.

Tu frotta vigoureusement deux morceaux de bois secs pour allumer un feu qui rapidement embrasa toute la maison. La maison devint la proie des flammes et Kio subit le même sort. Tu regardait le brasier depuis un moment lorsqu’une détonation se fit entendre. Il chercha la cause et découvrit que c’était la chaux de Kio (la femme-qui-hante-la-pierre à chaux) qui avait éclaté.

Plusieurs versions de la légende mais une même histoire

Le Révérend Père P. Mazé donne trois versions de cette légende : une de Vahitahi, une de Reao et l’autre de Takoto, Bien des détails varient et plusieurs noms sont changés (Kuhikiave dans le récit Maragai, et Roi dans la légende Tapuhoe) mais l’histoire reste la même. C’est l’étrangère, sorte de sirène venue des profondeurs du lagon qui s’introduit au foyer et prend la place de l’épouse véritable. Elle se trahit par la manière dont elle traite les enfants de sa rivale. Elle est punie comme elle le mérite et les enfants retrouvent leur véritable mère.

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Sources :

Huarei a Raka : légende de Kio. Vahitahi aout 1935 (vo et traduite par le R.P. P. Mazé). Société des Etudes Océaniennes. Bull n°58 déc. 1936 p 674 à 677 – Université du Pacifique : Légende de Kio.
Illustration : Wolff Wolfgang, Pêcheur au harpon, Tahiti vers 1936 – Tahiti Heritage : Wolff Wolfgang, peintre de la vie Tahitienne