A Mahina, au fond de la vallée de la Tuauru, à deux heures de marche, se trouve le site grandiose des orgues de prismes basaltiques que plusieurs illustres visiteurs ont décrit.
Sur une quarantaine de mètres de haut et 80 m de long environ, descendent les orgues de basalte. Elles se sont formées par refroidissement des laves accumulées dans le couloir qu’offrait le canyon de la rivière Vaipatu à l’époque volcanique.
Visite de la vallée de la Tuauru par George Tobin en 1792
George Tobin, un lieutenant anglais de 23 ans qui participe à la deuxième expédition du Capitaine Bligh pour convoyer des plants d’arbre à pain (Uru), de Tahiti aux Antilles profite de son séjour pour peindre des aquarelles et écrire ses impressions :
« Le 22 avril 1792, ayant formé un détachement dans l’espoir d’atteindre la source de la rivière de Matavai (la Tuauru), nous quittâmes le poste aux prémisses de l’aube. La vallée était large d’environ un demi mille ; les montagnes s’élevaient doucement des deux côtés, richement revêtues sur plus de la moitié de leur hauteur d’arbres à pain, de cocotiers, d’avee, d’eratta (rata) et de beaucoup d’autres arbres dont nous ignorions le nom. La terre ici était très riche…
… Le pays devint rapidement plus sauvage et pittoresque. Comme en plusieurs endroits le courant rencontrait l’obstacle d’énormes rochers, il était très rapide là où il parvenait à trouver un passage. On ne voyait plus d’arbres à pain ni de cocotiers mais il y avait des plantains (fei) tout au long de la marche. Nos regards étaient subitement attirés par de belles cataractes tombant d’une grande hauteur mais non sans en avoir été prévenus pendant notre approche par le rugissement qu’elles faisaient en forçant un passage le long des falaises boisées jusqu’à la rivière en-dessous…
… Nos guides commencèrent alors à nous encourager vivement à rebrousser chemin, mais bien que chaque pas devînt plus difficile, nous ne voulions pas abandonner sans connaître l’objet de notre recherche. Une autre motivation nous poussait aussi à continuer : l’espoir d’atteindre une cascade appelée Peeir (Te piha) par les naturels. En poursuivant notre chemin accidenté sur environ deux milles, nous reçûmes, en effet, la récompense de nos efforts. Elle est formée par une roche basaltique perpendiculaire, haute de plus de cent pieds, sa base s’étendant le long de la rive droite de la rivière sur plus de deux cents pieds. Au-dessus, le bord fait saillie sur quelques pieds ; un large mur d’eau en descend sans rencontrer de résistance jusqu’à ce qu’il atteigne quelques rochers isolés d’où l’eau tombe en plusieurs chutes dans un bassin profond et tranquille. Les piliers sont étroitement reliés entre eux mais cassés en plusieurs endroits »
Dumont d’Urville, Domeny de Rienzi, Dupperey visitent la Tuauru
Jules Dumont d’Urville (1790-1842), dans « Voyage pittoresque autour du Monde » décrit son excursion de « marcheur ardent et infatigable » jusqu’à la muraille des prismes basaltiques, qu’il appelle te piha (la chambre)
Charles Darwin décrit sa randonnée dans la vallée de la Tuauru en 1835
Charles Darwin (1809-1882), naturaliste sur le Beagle en 1835, avant de devenir célèbre généticien s’arrête à l’ombre d’une saillie de rochers au dessous d’une muraille de laves disposées en colonnes :
» Il y avait un mur vertical de roche. Un des Tahitiens, un bon homme actif, plaça le tronc d’un arbre contre celui-ci, le monta et puis, à l’aide de crevasses, atteignit le sommet. Il a fixé les cordes à un point en saillie et les a abaissées pour notre chien et nos bagages, puis nous avons grimpé nous-mêmes.
Sous le rebord sur lequel était placé l’arbre mort, le précipice devait avoir cinq ou six cents pieds de profondeur; et si l’abîme n’avait pas été dissimulé en partie par les fougères et les lis superposés, ma tête aurait été vertigineuse et rien n’aurait dû m’induire à l’avoir tenté. Nous continuâmes à monter, parfois le long de rebords et parfois le long de crêtes tranchantes, comportant de profondes ravines.
Dans la soirée, nous arrivâmes à un petit coin plat au bord du même ruisseau et nous bivouaquâmes pour la nuit. À l’aide de bandes d’écorce pour corde, de tiges de bambous pour chevrons et de la grande feuille de banane pour toit de chaume, les Tahitiens nous ont construit en quelques minutes une excellente maison; et avec les feuilles fanées fait un lit moelleux.
Ils ont ensuite fait un feu et préparé notre repas du soir. On s’est procuré une lumière en frottant un bâtonnet pointu dans une rainure creusée dans une autre, comme dans l’intention de l’approfondir, jusqu’à ce que le frottement ait enflammé la poussière. Un bois particulièrement blanc et très léger (l’Hibiscus taliacius) est seul utilisé à cette fin »
Et demain ?
La vallée de la Tuauru est actuellement protégée dans le cadre du Plan d’aménagement (PGA) de Mahina, mais un projet de barrage hydroélectrique a été à un moment envisagé. Est-il possible de concilier les deux ?
Les orgues basaltiques de la vallée de Tuauru à Mahina © Tahiti Heritage
Quelques petites histoires de la vallée de la Tuauru
Sources :
Illustration George Tobin. On Matavai River, Otahytey 1792
George TOBIN, Journal illustré d’aquarelles 1792. State Library of New South Wales à Sydney en Australie.
DUMONT D’URVILLE Voyage pittoresque autour du monde 1834
Louis Isidore DUPERREY. Voyage autour du monde sur la Coquille de 1822 à 1825
Charles DARWIN The Voyage of the Beagle 1835
Louis Gabriel DOMENY DE RIENZI. L’Univers, Océanie ou cinquième partie du monde, 1836
Henri JAY, Raymond TUIHO, Olivier et Édouard BABIN, Dany CARLSON 1999
Denis HELME