Déguisée en matelot, Jeanne Baret, accompagne Commerson lors du voyage autour du monde de Bougainville, qui la conduira à Tahiti en 1768. Elle sera la première femme à avoir fait le tour complet du globe terrestre.

Jeanne Baret

Jeanne Baret née, le 27 juillet 1740 dans une petite bourgade de Bourgogne devient gouvernante chez le botaniste Philibert Commerson. Elle a 22 ans, le docteur en a 35. Très vite, il est séduit par l’intelligence et la vivacité d’esprit de la jeune femme. Il lui donne des leçons de botanique et lui confie la préparation des herbiers.

Mais Commerson est nommé botaniste du roi Louis XVI et, à ce titre, doit entreprendre un voyage autour du monde avec Monsieur de Bougainville. Dans un premier temps, Jeanne n’est pas du voyage. Une ordonnance datant du 15 avril 1689 interdit aux femmes d’embarquer sur les navires de la Marine Royale. Mais Commerson écrit peu de temps avant d’embarquer à un ami : « On m’a passé un valet de chambre, gagé et nourri par le Roy ». Il risque beaucoup, toute sa carrière scientifique est en jeu mais il ne peut pas laisser Jeanne. Elle sera son valet !

La vie à bord de l’Etoile, le vaisseau de Bougainville

Le 6 février 1767, à Rochefort, Commerson suivi d’un jeune valet imberbe et de bonne mine, Jean Baret, monte à bord de l’Étoile pour cette expédition autour du monde. La vie à bord n’est pas des plus simples. En effet, il n’y a que des hommes à bord des bateaux de la marine royale et Jeanne doit faire preuve de beaucoup de finesse et de prudence pour garder son secret.

L’eau douce sert uniquement à l’alimentation et les latrines publiques posent quelques difficultés à l’aventurière dont le plus grand problème est d’éviter qu’on découvre qu’elle est une femme. Jeanne reste donc boutonnée, la poitrine bandée et fait tout son possible pour paraître un homme tant par la force de travail que par les propos. Elle suit Commerson dans toutes ses herborisations, portant les provisions de bouche, les armes, les cahiers de plantes avec un courage et une force qui lui vaudra du naturaliste le surnom de sa bête de somme.

Après le premier mois, le doux repos qu’ils goûtaient fut interrompu par un petit murmure qui s’éleva dans l’équipage sur ce que, disaient-ils, il y avait à bord une fille déguisée. On jeta sans balancer les yeux sur notre petit homme. Tout annonçait en lui une femme : une petite taille, courte et grosse, de larges fesses, une poitrine élevée, une petite tête ronde, un visage garni de rousseur, une voix tendre et claire, une adroite dextérité et délicatesse…faisaient le portait d’une fille assez laide et assez mal faite.

Le commandant feint d’ignorer cette rumeur mais le bruit devient trop général. Jeanne Baret est alors obligée de rejoindre les autres domestiques sous le gaillard d’avant sous peine d’être mise aux fers. Mais là encore, ses compagnons tentent de vérifier s’il s’agit d’un homme ou d’une femme. Elle se défend en affirmant à qui veut l’entendre « qu’il n’est nullement du sexe féminin mais si fait de celui dans lequel le Grand Seigneur choisit les gardiens de son sérail. » Bref Jeanne Baret est un eunuque. Cette explication, soufflée probablement par Commerson, calme l’équipage quelques temps.

Jeanne Baret, se déguise en matelot. Ilust. Marc Bourgne / Cols bleus

Jeanne Baret, se déguise en matelot. Illustration Marc Bourgne / Cols bleus

Vahine, vahine !

Après 14 mois de voyage, le 7 avril 1768 l’expédition arrive à Tahiti. A peine le domestique est-il sur le rivage, au bain de Maheteaho (Hitia), que les tahitiens l’entourent et crient «  Vahine, Vahine !  » et veulent le déshabiller. II faut que l’officier de garde vienne le dégager.

Bougainville est alors obligé, de s’assurer si le soupçon est fondé. Baret, les yeux plein de larmes, avoue alors qu’elle est fille, qu’elle a trompé son maître en se présentant à lui sous des habits d’homme au moment de son embarquement. Bougainville autorise alors Jeanne Baret à poursuivre le voyage.

Jeanne Baret et Commerson, arrivent à Tahiti. Illust. Marc Bourgne / Cols bleus

Jeanne Baret, découverte par les tahitiens.

La première femme à faire le tour du monde

Quelques mois plus tard, en novembre 1768, ils quittent l’expédition pour s’occuper du jardin botanique de Pamplemousses sur l’île Maurice. Après la mort de Philibert Commerson, Jeanne rentre en France à Sainte-Aulaye près de Périgueux.

Elle sera la première femme à avoir fait le tour complet du globe terrestre. Philibert Commerson, reconnaissant envers Jeanne Baret, lui dédicace une plante « aux caractères sexuels douteux », la Baretia (Quivisia ou Bois de Quivi – Turraea thouarsiana). Le roi Louis XVI reconnaît son travail de botaniste pendant le tour du monde et la désigne comme « femme extraordinaire« . Diderot dans son ouvrage « Supplément au voyage de Bougainville » accorde également une place importante à Jeanne Barret en écrivant :

« Ces frêles machines-là renferment quelques fois des âmes bien fortes. »


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Sources :

– Voyage autour du monde par la frégate du Roi, La Boudeuse et La Flute l’Étoile en 1766, 1767, 1768, et 1769 (1771 et 1772)
– Denis Diderot, Supplément au voyage de Bougainville 1796
– Henriette Dussourd, Jeanne Baret, première femme autour du monde (1740-1816) Moulins, 1987
– NoJohn Dunmore, Jeanne Baret, First Woman around the World (1766-1768), Auckland, Heritage Press, 2002
– Alex du Prel. Histoire de Jeanne Barret Tahiti Pacifique magazine n°156 avril 2004.
– Illustrations de Marc Bourgne et Cyril Leriche pour Cols bleus du 10 janvier 2004