Bien longtemps après Munanui, naquit Tuohea, le roi du sud de Hao. Quand il vint au monde, II avait quatre yeux, ce qui fit peur à ses père et mère qui l’abandonnèrent au sud de l’atoll de Hao, et ce furent les mauvais esprits qui prirent soin de lui.

Devenu grand, il allait et venait dans cette zone entre les motu Opokara et Onikau (photo 2) à la recherche de sa nourriture.

Il se promenait tout nu, son costume c’était la pluie, la mer, le vent et le soleil.

II avait sacralisé certaines espèces de poissons, qu’il s’était interdit de manger sous peine de mourir.

Motu Okinau à Hao

Motu Okinau à Hao

Devenu gênant car il massacrait tous les pêcheurs qui s’aventuraient dans ses eaux poissonneuses, le roi de la côte Est de Hao décida de monter une expédition pour le tuer. Mais ses 4 yeux rendaient toute approche impossible. Aussi, il fut décidé de lui envoyer sa sœur très légèrement vêtue, pour le troubler et lui porter le coup fatal .

Confidences royales

Leur sœur descend de la pirogue avec une provision de poissons mais Tuohea qui se trouve sur le bord de la plage, la saisit violemment. Elle lui dit avec beaucoup de douceur :

«  Tu es un homme grand et beau, j’ai beaucoup envie de toi, c’est pour cela que je suis venue ; ceux qui sont au large m’ont abandonnée et s’en retournent, aie pitié de moi ».

Celui-ci s’attendrit, l’embrasse, prend la provision de poisson et lui répond :

« Je suis le roi du coté sud de Hao, mes gens sont les mauvais esprits, mes résidences sont à Onikau et Opokara. En me promenant, si l’envie de dormir me prend, je dors dans le lagon sur les cailloux. Je n’ai ni froid, ni mal, mais tout le temps, pendant que je me repose, j’ai deux yeux qui dorment et deux yeux qui veillent. Comme nourriture, j’ai une préférence pour la chair humaine : c’est délicieux. Ce qui est sacré pour moi, et que je me suis interdit de manger sous peine de mourir, ce sont le requin, le gros rouget (ruhu) et le thon. Les arêtes de ces poissons sont pour moi des idoles que j’adore »

Un repas difficile à digérer

Sa soeur lui dit d’aller dormir pendant qu’elle prépare leur repas. Elle sort pour apprêter les mets, mais au passage vole discrètement les arêtes sacrées des poissons et les cache sur elle. Ensuite elle réveille Tuohea et lui dit de venir manger. Devant toutes les espèces de poissons placés devant eux, il est impossible à Tuohea de reconnaître les poissons qu’il avait sacralisés. Ils mangent et après ce plantureux repas, Tuohea va se recoucher.

La fille se lève, court au bord de la mer faire des signaux à ses frères restés sur la pirogue pour qu’ils viennent la chercher, ce qu’ils font rapidement. A ce moment, Tuohea sent des frissons lui parcourir tout le corps, car ses frères lui ont jeté un sort en utilisant les arêtes sacrées de poissons que leur soeur avait subtilisée.

Les quatre yeux troubles de Tuohea

Tuohea titube comme un homme ivre mais arrive quand même à rejoindre le motu Opokara où il tombe par terre. Quand ils voient que Tuohea est complètement victime du sort qu’ils lui ont jeté et qu’il tombe une nouvelle fois pour ne plus se relever, ses frères débarquent et le portent dans leur pirogue. Il n’est pas mort, son corps est seulement affaibli par le poison des poissons qu’il a mangés et par le sort jeté par ses frères. Son corps ne bouge pas, mais d’une faible voix il dit :

« C’est moi le roi Tuohea, le roi du grand sud, du sud où il n’y a pas d’arbres, où il n’y a qu’un récif ; mes vêtements sont la pluie, le vent, le soleil ; mes quatre yeux regardent en haut, en bas, et je vois trouble maintenant. C’est à Opokara que j’ai marché en dernier lieu, c’est à Onikau que je vais rester. Je ne vais plus pouvoir enlever d’entre mes dents la chair humaine qui s’y trouvait, et mes gens seront malheureux maintenant. »

II répète plusieurs fois ces paroles sur la pirogue, jusqu’au motu Onikau où il meurt et est enterré (photo 2). Ce ne fut qu’à partir de ce moment que les hommes purent aller pêcher sur la côte sud de Hao.

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Sources :

Eugène Caillot, Mythes et légendes de Polynésie 1912 . réédité par Haere Po
Jean Noël Putua, CSP Ecole primaire de Hao et TANGI Manuera – Mai 2001
Olivier Babin 2000
Illustration : Daniel Akeou, Hao 2001