Mataiea était réputée pour sa prospérité. Selon les récits anciens la clé de cette richesse est la présence de Fa’aravai a nu’u, l’anguille royale, dans la Vaihiria. La preuve ? Le jour où l’anguille disparu de son cours d’eau, une pénurie frappa Mataiea…

Une naissance insolite

Ahu’ura de Mataiea et le dieu Tetua ‘airoro conçurent un enfant ensemble. Étant d’une haute lignée, le couple décida que cet enfant viendrait au monde sur la montagne Tera’iamano.

Lorsque Ahu’ura accoucha, le couple eut la surprise de découvrir qu’ils étaient les parents non pas d’un être humain mais d’une anguille ! Effrayée par cette naissance insolite, Ahu’ura tomba à la renverse. Cet incident donna son nom à la montagne de Mataiea : Tetufera (à la renverse). Le couple ne voulu pas garder l’enfant, ou plutôt l’anguille. Ahu’ura décida de déposer l’animal dans le lac de Vaihiria.

L’anguille de Vaihiria est emportée à Arue

Un jour, Tauarii, aito de Mahina, entra dans la vallée de la Vaihiria. Au cours de son excursion, il traversa une rivière. C’est alors qu’une anguille peu farouche s’enroula à son pied. Tauarii s’empara de cette dernière et l’emporta dans un bassin à Papaoa (l’ancien nom d’Arue).

Pendant ce temps, c’était la pénurie à Mataiea

A Mataiea, le temps était affreux, les pluies étaient torrentielles, le vent se déchaînait et aucun fruit ne tenait plus sur les arbres. Plusieurs habitants convoqués par le chef et les prêtres étaient menacés de mort, si celui qui était cause de ce malheur ne se faisait pas connaître. La consternation était grande, mais une femme Tauatea demanda au roi de retarder les exécutions jusqu’à son retour.

Seule, elle monta au lac, et s’aperçu que ce n’était plus qu’un grand trou béant avec un peu d’eau claire et vivante et non jaunâtre comme elle devrait être. Elle pria alors le dieu du lac de calmer sa colère et promit de lui rapporter son enfant. Tout retomba dans le calme et Tauatea partit avec sa fille Teaha à la recherche de l’anguille.

Teaha veut rapporter l’anguille à Vaihiria

Teaha, une merveilleuse danseuse, se fixa pour mission de ramener l’anguille dans sa rivière. Elle se rendit à Mahina, chez Tauarii. Là, la fête bâtait son plein. Teaha se mit à danser, Tauarii fut charmé.

Anguille royale. Photo Sylvain Girardot

La danseuse aperçut l’anguille mais elle dut imaginer tout un stratagème pour la dérober et la ramener sur Mataiea. Elle déclara alors à Tauarii qu’elle était enceinte de lui et qu’elle avait besoin de telle ou telle nourriture pour subvenir à ses envies. Celui-ci accepta tous ses caprices.

Un matin, elle lui demanda un poisson du large, Tauarii et ses amis partirent sur le champ à la pêche pour lui en procurer. Aussitôt parti, elle fit mettre la tête de l’anguille dans une calebasse (hue) avec de l’eau de la rivière et couru rejoindre sa mère pour aller déposer la tête de l’anguille dans le lac Vaihiria.

Un vieillard leur dit alors de faire édifier un marae qui sera nommé« Nuutafaratea » et de le consacrer à l’anguille en le frappant de feuilles de auti.

Une fois les cérémonies sacrées terminées, la tête de l’anguille fut transportée vers le lac et remise dans l’eau qui reprit aussitôt sa couleur jaunâtre d’origine.

L’abondance retrouvée

En chemin, elle rencontra un tahua qui lui dit que l’animal devait être consacré sur un marae pour le fixer à Vaihiria. L’anguille fut appelée Fa’aravai a nu’u (anguille royale). Une fois qu’elle fut réintégrée à Vaihiria, Mataiea retrouva l’abondance.


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Sources :

D’après la légende du Puhi tari’a (Anguille à oreilles) racontée par Teikipahatoua IORSS. Société des Etudes Océaniennes – 1928 Bull n° 24 p 34

DB déc 2016
Photos 1 et 3 : Plongée Photo Polynésie, Photographies de Sylvain Girardot