Le marae Mahaiatea de Papara, qui était le plus grand marae de Tahiti, a été édifié par Purea et Amo entre 1766 et 1768 pour la consécration de leur fils Teri’irere i outu rau na To’oara’i. Il était dédié au dieu Oro, dont l’image sacrée avait été transportée par le grand prêtre Tupaia en pirogue lors du pillage du marae Taputapuatea de Ra’iatea par les guerriers de Bora Bora.

Selon la légende, le dieu de la mer Ruahatu, a posé la pierre de fondation du marae de Mahaiatea après le déluge. Lorsque les habitants lui demandaient qui était-il, il répondait :

Eatua vau i te maha’i atea – Je suis un dieu d’apaisement prolongé.

De là vient le nom donné à ce marae.

Le marae Mahaiatea, une grande pyramide

La marae était une énorme pyramide en pierre qui s’élevait à 17 m de hauteur et dont la base mesurait 81 m de long sur 26,50 m de large. Elle était constituée par 11 gradins dont le premier était à 1,80 m du sol, tandis que les autres s’étageaient à une hauteur de 1,20 m. Ces marches étaient formées de rangées régulières de pierre de corail de 0,45 m de côté, puis de galets bleuâtres, presque ronds, d’une matière très dure mesurant env. 0,15 m.

L’intérieur de la pyramide était rempli de pierre de toutes sortes et de toutes tailles. Le faîte ne se terminait pas en parallélépipède, comme la base, mais il avait la forme d’une toiture. Au sommet se trouvait un oiseau sculpté dans le bois et un poisson taillé dans la pierre.

Cette pyramide était située au milieu d’une esplanade de 125 m de long sur 90 m de large qui était entourée de murailles et pavée de pierres plates dans les interstices desquelles poussaient des aito (Casaurina equisetifolia). Plus loin, se trouvaient des fatarau, plates-formes élevées sur des colonnes de bois de plus de 2 m de hauteur qui étaient couvertes de fruits du pays, de porcs — ou des crânes de ces animaux — et même de chiens.

Le marae Mahaiatea décrit par les navigateurs européens

Cook, Banks, Forster, Solander, Wilson visitèrent le marae Mahaiatea lors de leurs voyages à Tahiti

Le capitaine James Cook, le décrit en 1769  :

Un spécimen magnifique d’architecture indienne … C’est une pyramide rectangulaire dont la base mesure 81 m par 26,50 m, le gradin du sommet mesure 54 m par 2,13 m. Les 11 gradins de 1,20 m chacun correspondent à une hauteur de 13,50 m. Chaque gradin consiste en une rangée de roches coralliennes carrées, très bien taillées sur lesquelles sont posées d’autres pierres à bout arrondi confectionnées uniformément. Les images sacrées étaient placées sur cet autel pendant les cérémonies religieuses. La cour pavée mesurant 88 m par 81 m était entourée d’un mur en pierre bas.

Quelques années plus tard, en 1799, James Wilson, le capitaine du Duff, précise :

Ce marae est une énorme pile de pierres de forme pyramidale sur une surface rectangulaire, il est constitué d’une série de dix marches (…). C’est une construction étonnante et il leur a fallu d’immenses efforts et un temps très long pour apporter toutes ces pierres, ainsi que pour tailler les dalles de corail avec les instruments dont ils disposaient à l’époque.

Gravure de J. Wilson du marae Mahaiatea de Papara en 1799

Gravure de J. Wilson du marae Mahaiatea de Papara en 1799

Vestiges du marae Mahaiatea de Papara

Vestiges du marae Mahaiatea

Pointe Manomano, la pointe royale de Papara

L’usage voulait que les grands marae royaux fussent sur des promontoires ou des caps, les exemples sont nombreux : Taputapuatea à la pointe de Punaauia, et à Taunoa, Fare Roi à la pointe Vénus, mais le plus bel exemple est le marae Mahiatea si avancé sur sa pointe de terre que, dans les tempêtes, les vagues l’ont atteint à plusieurs reprises.

Partant de la plage, au pied de ce marae, une allée de corail si plane qu’elle semblerait avoir été faite de la main des hommes, traverse le lagon presque jusqu’au récif.
C’est peut-être sur ce quai naturel que Pomare II fît traîner la pirogue qui amenait au marae Mahaiatea, la statue de Oro. Dans ces circonstances, il était d’usage de faire glisser la pirogue sur les corps de victimes sacrifiées pour cette occasion.

La pointe Manomano était d’après les récits la pointe royale de Papara. La femme de tavi Hauroa, le roi de Tautira, qui dut laisser sa femme pendant huit jours et huit nuits au roi de Papara et chef des Teva I Uta, Tu ite tai i Taputuarai, qui se serait caché dans une grotte de la pointe Manomano.

Les pierres du marae utilisées pour construire un pont sur la Taharuu

Longtemps après leur conversion, les Tahitiens continuèrent à respecter le caractère sacré des anciens lieux de culte pains et de craindre le pouvoir maléfique des esprits qui les habitaient toujours. Mais, à partir de 1865, les pierres du marae ont été utilisées pour construire les bâtiments de la grande plantation d’Atimaono et pour la construction d’un pont sur la rivière Taharuu. Mais, vengeance du dieu, peut-être ? le pont fut emporté par une crue et la destruction du vieux temple tahitien s’avéra doublement inutile.

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Sources :

James Cook, Relations de voyages autour du monde, 1768-1779
A Missionary Voyage to the Southern Pacific Ocean Performed in the Years 1796, 1797, 1798 in the Ship Duff Commanded by Captain William Wilson
Mémoires de la reine Marau Taaroa, dernière reine de Tahiti, Paris, Société des Océanistes, 1971
Descriptions dans Emory, 1933, « Stone Remains in the Society Islands ».
Tahiti Géobiologie : n°1035 ATIMAONO Papara Tahiti 
Illustration 1 : Gravure colorée du Marae Mahaiatea de Tahiti, d’après la gravure publiée dans l’ouvrage “A Missionary Voyage to the Southern Pacific Ocean” de William Wilson. 1799