En 1862, l’une des conséquences de la guerre de Sécession fut la hausse brutale des prix du coton, ce qui donna à l’écossais William Stewart l’idée d’en planter sur la Terre Eugénie à Atimaono, Tahiti.

Aidé par son beau-frère, le financier portugais, Auguste Soares, il fonde la Polynesian Plantation Company à laquelle devait succéder en 1863, la Tahiti Cotton and Coffee Plantation Company, au capital de 100 000 livres sterlings. A partir de 1864, Stewart se rend rapidement acquéreur par petits lots de toutes les terres d’Atimaono, situées entre les rivières Taharuu et Vaitotoa, du PK 36 au PK 43, de la mer à la montagne. 3 950 ha env. dont 1 450 ha étaient cultivables.

La grande plantation de coton à Atimaono vers 1870. Photo Musée du Quai Branly

Terre Eugénie

Le nouveau domaine est baptisé « Terre Eugénie », en l’honneur de l’impératrice d’origine espagnole Eugénie de Montijo (1826 -1920) qui fut l’épouse de Napoléon III, empereur des Français, et donc impératrice des Français du 29 janvier 1853 au 4 septembre 1870. Le gouverneur de l’époque le comte Emile de la Roncière contribue au succès de l’entreprise en ordonnant la construction d’une route carrossable entre Papeete et Atimaono.

Les premiers chinois de Tahiti

Dans un premier temps, deux cents Tahitiens et hommes des îles sont embauchés ainsi que quatre vingt quatorze hommes des Iles Cook, pour un contrat de un à deux ans. Mais cela ne suffit pas et le commissaire impérial autorise l’introduction de mille Chinois (en fait le feu vert n’avait été donné que pour cinq cents). Ceux-ci, dont le contrat ne devait pas excéder sept ans, devaient ensuite être rapatriés par la Compagnie. Les trois cent vingt cinq premiers immigrants arrivent le 25 mai 1865. Les autres suivront.

Une magnifique propriété

Cette plantation est une affaire florissante et même prospère grâce aux mille hectares de coton, aux cent cinquante hectares de café et aux cinquante hectares de canne à sucre. En 1865, la plantation avait produit 50 tonnes de coton et en 1869, elle utilisait 1 500 ouvriers.

Entrée de la grande plantation à Papara

Entrée de l’habitation de Stewart sur la Grande Plantation de Atimaono. Photo Emile Miot. 1869

La maison de Stewart à Atimaono, Papara. Photo Emile Miot 1869.

La maison de Stewart à Atimaono, Papara. Photo Emile Miot. 1869.

La magnifique propriété comporte : une vaste maison de maître (photo), des maisons secondaires (celle allouée au médecin par exemple), un grand magasin, un séchoir, un hangar, un magasin aux vivres, deux écuries, une sellerie, un petit hôpital, une forge, une boulangerie, une locomotive à vapeur, deux presses hydrauliques, quinze bâtiments de bois, cent petites « cases indigènes », et une villa de repos appelée le Mont Calme, ou encore White House, qui avait été édifiée sur une colline en 1866, sur l’initiative de la femme du gouverneur, la comtesse de La Roncière.

Tous ces bâtiments avaient été édifiés avec les pierres enlevées au grand marae de Mahaiatea aussi les indigènes prétendaient-ils que le domaine était pifao, c’est-à-dire frappé d’un mauvais sort.

La fin de la grande plantation

L’entreprise prospéra jusqu’en 1869, année où les cours du coton s’effondrèrent. En 1872, la faillite devint inévitable et elle fut prononcée en 1873 par le tribunal de Papeete. Cette année-là, cependant, 1 000 ha de coton, 150 ha de café, 50 ha de canne à sucre, 50 ha de cocotiers et 50 ha de cultures vivrières diverses étaient mis en valeur. Cette faillite fut à l’origine de l’implantation des Chinois en Polynésie puisque la clause qui obligeait la compagnie à les rapatrier ne fut jamais respectée.

Stewart ne se remit pas de son échec et s’éteignit dans la misère, abandonné de tous, le 24 septembre 1873, à l’âge de 48 ans.

Un domaine sucrier

Les créanciers acceptèrent une liquidation à l’amiable et le domaine fut vendu le 31 août 1875, pour 500 000 F au Syndicat Laharrague, Robin et Cie. Atimaono devient un domaine sucrier avec de grandes plantations de cannes à sucre.

En 1898, la Caisse Agricole (ancêtre de la Socrédo) rachète le vaste domaine de Atimaono, et le cède après lotissement, à quelques immigrants français. Quelques uns, attirés par le mythe de Tahiti accepteront le contrat, mais auront beaucoup de difficultés à faire prospérer les terres qui leur sont accordées.

De son coté, Victor Raoulx, un des actionnaires de la Société Française, relançe les champs de canne à sucre et créé une rhumerie (lire article). Il fabrique du sucre de canne et distille du rhum. A sa mort, en 1914, l’exploitation est en plein essor, le rhum étant vendu sur le territoire et non exporté.

La Rhumerie de Papara dans les années 30. Photo Bambridge

La Rhumerie de Papara dans les années 30. Photo Bambridge

Le Golf Olivier Breaud de Atimaono

En 1946, monsieur Jean Bréaud, rachète les mille cinq cent hectares qui restent du domaine d’Atimaono, reprend en main l’administration, continue l’élevage, les plantations vivrières et la culture de la canne à sucre .

Après la création de l’aéroport international de Faaa, Jean Bréaud projette de créer un ensemble résidentiel sur ce domaine. Le Club Méditerranée examine aussi la possibilité d’y installer un centre. Seul le golf se réalise en 1970, avec parcours de 18 trous sur une distance de six mille trois cent cinquante cinq mètres. Il porte le nom d’Olivier Bréaud, fils du fondateur.

Le golf de Tahiti avec l'allée de mombins. Photo aérienne Tahiti Heritage 2014

Le golf de Tahiti avec l’allée de mombins. Photo aérienne Tahiti Heritage 2014

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Sources :

T’Stevensen R.L La grande plantation. Paris, Albin Michel, 1952.
Gérald Coppenrath, Les chinois de Polynésie Société des Océanistes 1967
Photo 1 : Documentaire « Chim Soo Kung : de Canton à Tahiti »  Coproduction : Polynésie 1ère et l’association Si Ni Tong
Photo 2 :  plantation de coton à Atimaono Paris, Musée du quai Branly