La montagne Rotui à Moorea, la demeure de la reine Remu ura, était si belle que trois guerriers des iles-sous-le-vent voulurent s’en emparer.

La demeure de la reine Te Remu ura

Il y a très longtemps, sur l’île de Moorea (Aimeho), se dressaient côte à côte, les montagnes Tohie’a et Rôtui. La montagne Rôtui est belle et généreuse ; c’est la demeure de Teremuura (Te Remu’Ura), une reine d’une grande beauté aux pouvoirs puissants. Les plantes et les animaux qui se trouvent près d’elle se transforment en protecteurs : Hinano et Pua, fleurs lumineuses et sacrées, Maire Maa Toru , la fougère à trois feuilles, ‘Aute ‘Uumu , l’hibiscus à fleur double, ‘Iihi Nato , le rouget violacé. Là on trouve aussi une source, miroir de la reine. Elle a de nombreux gardiens.

Hinano, fleur du pandanus

Hinano, fleur du pandanus

Fleur de Pua

Fleur de Pua

Fougère Maire

Fougère Maire

Prenez au lasso le mont Rotui

Par une nuit très noire et calme, trois guerriers des Iles-sous-le-vent font voile vers Moorea. Ils obéissent aux ordres des nombreux dieux du marae Vae a Ra’i : « Prenez la pirogue et rejoignez l’île de Moorea. Tressez une corde à trois brins et prenez au lasso le mont Rôtui ».

A l’horizon, malgré la distance la reine Teremuura repère leur approche. Elle dit à Noha‘Ura : « Réveille le peuple des oiseaux » « Oh, ma reine, ne te fait aucun souci » répond Noha ‘Ura, les trois guerriers se trompent complètement de lieu d’accostage  »

Les guerriers accostent dans la baie d’Opunohu. Ils fabriquent la corde soigneusement et attrapent au lasso la pointe du Mont Rôtui. Ils amarrent la corde à l’arrière de la pirogue et disent à leur sœur : « Rame ! » Et tandis qu’elle rame, ils tirent sur la corde au même rythme qu’elle.

Un puissant grondement retentit alors, des avalanches gigantesques se produisent. L’eau jaillit à Vaitau et se précipitent dans le lagon à ‘Afâ. La reine tressaille : sa patrie s’en va. Elle ordonne alors à Noha ‘Ura :  » Dis aux oiseaux de faire grand bruit !  » Le rupe, le aupo’a, le ra’o et tous les oiseaux de nuit sifflent et poussent des cris, on croirait entendre des pleurs d’enfants.

Tane retient le Rotui

Tandis que les oiseaux continuent leur vacarme, Noha ‘Ura dit à la reine Teremuura : « Ne crains rien, Tâne, le guerrier, monte la garde près de la plage. » En effet , Tâne comprend qu’on est en train de voler sa terre, il saute dans le lagon , se tourne vers le Rôtui et le retient de ses mains puissantes. Les trois guerriers tirent la montagne, Tâne la maintient. La terre est retenue et ne glisse plus.

Les guerriers voleurs sont surpris par l’intensité des cris et des sifflements des oiseaux ils pensent que le jour se lève. Les deux frères crient à leur sœur déjà parvenue au milieu de la passe de Taareu : « – Cesse de ramer !
– Pourquoi ? demande-t-elle.
– C’est le lever du jour, arrêtons, nous attendrons la nuit prochaine.

Tâne les entend parler. Il pense à une ruse et il ne cesse pas son travail et ne revient pas à la plage. Au lever du soleil, les quatre guerriers sont transformés en rochers pour toujours : Ofa’itere en bord de mer à Opunohu et la sœur à côté de la passe de Taareu, To’a Ma’o. Quant à Tane, le gardien de la montagne, il devint le rocher To’atane à Pihaena au lieu-dit Pi’opi’o.

On peut les voir encore aujourd’hui.

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Sources :

D’après Contes et légendes des Iles, Collection Pererau.
Ass. Te Ati Matahiapo Nui Aimeho Nei, Moorea d’autrefois. Ed. Le Motu 2006. Légende recherchée et gardée par la famille Taua e Maha i te Rai, descendante de la reine Teremuura. Donnée par Maurice Rurua

Illustration : La vallée d’Opunohu et le mont Rotui, dessin de Constance Gordon Cumming, 1882